Mes pensées quotidiennes de Juillet 2020

1er juillet  

Depuis Paris, dix jours du côté de Paris, j’ai la gorge en feu. Pollution ou rhume. Cela pourrait passer mais voilà que Timothée, un peu plus de quatre ans, passager du voyage retour en voiture, commente sans cesse le paysage. « Oh le train, il y a un train, ce n’est pas un RER, c’est un TGV, il va hyper vite ! Une grue ! J’ai vu une grue hyper grande. Un tunnel ! Tu sais papy, ce tunnel est hyper grand ! Gigantesque ! » Alors je ris, et la gorge me brûle. Ça fait hyper mal !

 

2 juillet  

Accompagner Timothée jusqu’à la plage, la petite plage du Moustoir, le voir jouer avec le sable et affronter l’eau comme un conquérant de la Pinta, ça m’a fait du bien. J’ai passé les quinze derniers jours à Malakoff à trier, classer, jeter, emballer des tonnes de livres et de souvenir… Et ici à Arradon, depuis mon retour, je déballe et je trie, je classe, je range des tonnes de livres et de souvenirs encombrants… J’en ai oublié l’été, et le temps qu’il fait, et les urgences de la vie… Urgences comme : remplir un arrosoir d’eau de mer avec une pelle et un râteau, pour mouiller le sable qu’on a mis dans le seau, afin de verser le sable mouillé sur le sable sec de la plage pour, en y enfonçant bien le moule, dessiner sur le sable sec de la plage un avion ou un lapin en sable mouillé, puis s’apercevoir que ça ne va pas du tout et donner un grand coup de pied qui fait voler le sable, et ensuite recommencer. Le tout en expliquant et commentant. Puis décider que non, ce n’est pas l’heure de rentrer, parce qu’on n’a pas fini de faire ce qu’on a à faire, et qu’on vient tout juste de commencer… Ben oui, ça fait du bien.

 

3 juillet  

Mis à part son papy, ce que Timothée adore le plus, dans la vie, c’est le fromage. Et il en connait beaucoup. Ce midi nous lui demandons ce qu’il veut. « De la Fourme d’Ambert et du camembert », répond-il. Je lui demande s’il ne veut pas du morbier alors que je sais qu’il aime ça. Il me dit non. Mais je l’interroge : « Pourquoi de la Fourme d’Ambert et du camembert ? » Il réfléchit. « Parce que ça rime », finit-il par dire. « Ah bon ça rime ? Et qu’est-ce qui rime avec trottinette ? » Il réfléchit encore. « Galipette ! » s’écrie-t-il. Puis il me demande ce qui rime avec « bol ». Alors je lui dis « football ». Et il me répond : « Qu’est-ce que c’est le football ? » C’est vrai qu’à quatre ans et demi, on ne peut pas tout savoir. Mais quand même, il est bizarre.

 

4 juillet  

Goût de cendre en pensant à Vitry, ce soir, je ne reconnais plus les miens, ceux que je croyais connaître… et aimer. Pensée pour mon ami Jean-Claude Kennedy. Mépris pour ceux, tous ceux qui ont participé à cette fourberie, et pour ceux qui la justifient aujourd’hui. Il n’est pas ici question de désaccords dont je ne connais rien mais de respect devant les électeurs. Il me reste la poésie, non comme bannière mais comme consolation. « Le Château des pauvres », un poème de Paul Eluard commence ainsi :

« Une longue chaîne d’amants

Sortit de la prison dont on a l’habitude

Sur leur amour ils avaient tous juré

D’aller ensemble en se tenant la main

Ils étaient décidés à ne jamais céder

Un seul maillon de leur fraternité. »

De ce poème, de notre histoire, sommes-nous encore dignes ?

 

5 juillet  

Depuis Timothée, les graviers de l’allée ne savent plus où donner de la tête. Il en remplit son seau. Il les compte. Il les déplace. Il en fait de petits tas comme des collines. Puis au râteau il les disperse. Il y plante des fleurs de pissenlits qu’il cueille sur la pelouse. Puis il les entoure de feuilles et les arrose. « Je fais des plantes », me dit-il. Ce soir, quand Timothée est allé se coucher, je suis sorti. Les graviers me regardaient d’un air un peu drôle. Et l’un d’eux, plus téméraire ou moins timide que les autres, m’a demandé : « C’est quand la rentrée des classes ? »

 

6 juillet  

Depuis samedi, toutes mes pensées me ramènent à Vitry. L’indignité ne passe pas. Hier soir, j’ai revu le péplum « Spartacus » sur Arte. En me disant qu’il allait falloir tout reconstruire à partir de là. On n’est pas rendu. 

 

7 juillet  

Ce soir elle est malade. Gros coup de fatigue. Elle m’a laissé seul à m’occuper de Timothée, son bain, son diner, son coucher, la lecture des contes, le tout entremêlé de jeux et d’éclats de rire. J’ai bien fait semblant. Timothée n’a rien vu. Ça lui arrive parfois, pas souvent : un gros coup de fatigue, incapable de quoi que ce soit. Son remède, elle dort. Et le lendemain, elle repart avec son entrain, son énergie débordante, et la générosité de son courage. Mais moi, chaque fois, je ne peux m’empêcher d’avoir peur. Je me souviens trop bien la vie sans elle, comme une respiration suspendue, un silence de craie, un océan immobile et sans horizon. La nuit va être une rude attente.

 

8 juillet  

Sans doute qu’à quatre ans, on se croit le maître du monde, et des pendules. (J’en connais qui auront quatre ans toute leur vie). Aujourd’hui, Annick et Francis sont passés nous voir. Mais à l’heure du départ, grosse crise de larmes de Timothée : il n’avait pas eu le temps de leur montrer son train électrique Légo. Ils ont dû quitter la voiture et remonter dans sa chambre voir le train. Puis ils sont partis pour de bon. Je les ai raccompagnés, mais à mon retour, Timothée n’était toujours pas content : « Pourquoi sont-ils partis alors qu’ils sont gentils ? » Je n’ai pas la réponse et moi-même, du coup je me pose la question.

 

9 juillet  

Timothée insiste pour boire du « Schweppes », comme son papy. « Je ne crois pas que tu trouveras ça bon », dit mamy. Il veut absolument goûter. Je lui en sers un fond de verre. Il boit une gorgée, et fait la grimace. « Ça pique mais c’est bon, finit-il par dire. Et mon corps en a besoin. » 

 

10 juillet  

Je l’entends derrière la porte fermée de mon bureau. Il frotte comme une souris qui frotterait l’air de rien. Puis je vois la poignée qui se tourne lentement. La porte s’entrouvre, il jette un œil. Je fais semblant de ne m’apercevoir de rien. La porte s’ouvre plus franchement. Il passe la tête. Là je ne peux y échapper. « Dis papy, tu es en train de m’écrire une histoire ? » « Je ne sais pas. Tu voudrais ? » « Oui bien sûr. » « Bon on verra ce soir mais laisse-moi travailler. » Il faut que je quitte, je dois terminer avant ce soir l’histoire de Séraphin, le dauphin fin.

 

11 juillet  

Ce soir, c’est Alix, la petite sœur de Timothée que j’ai sous ma garde. Timothée dort. Il est 22h45, Alix s’est réveillée à 22 heures et elle nous l’a fait savoir. Ne lui répétez pas : en cachette, je l’appelle la petite sirène. Pas celle qui a un corps de poisson, celle qui sonne l’alerte au feu des pompiers. Je lui ai donné un biberon de lait qui l’a calmé immédiatement. Mais ensuite j’ai voulu quitter la chambre. L’alarme s’est à nouveau déclenchée. J’ai cherché un tabouret pour m’asseoir à côté d’elle un moment. Avec elle, les histoires, ça ne marche pas. Par contre, les petites caresses dans le cou, c’est efficace. Mais dès que j’arrête, la sirène repart. À la longue, elle s’est endormie. Quand même, une demi-heure de petites caresses dans le cou, franchement, c’est un peu long.

 

12 juillet  

Ce monde qui sombre, nous lui appartenons. Il nous tient dans ses griffes et nous ne nous débattons même pas. Parce que nous détournons les yeux. La réalité générale ne nous intéresse pas. Seule compte la réalité de notre petite existence. (J’ai remarqué que plus était petite l’existence, plus grande était l’arrogance.) Nous croyons que parce qu’un jour, à une poignée, nous avons décidé que nous pouvions tout, la réalité se plierait à nos vœux impuissants et ridicules. Ce monde sombre et nous sombrons avec lui. Mieux. Le monde sombre et, refusant de le voir, nous nous en décrétons l’avant-garde. Heureusement sans plus entraîner grand-monde.

 

13 juillet  

Pas grand-chose de plus à ajouter… Ah si ! Après « Séraphin le dauphin fin », « Solange, la mésange songeuse » est arrivée au chevet de Timothée. Une série en quelque sorte.

 

14 juillet  

Privé de Fête nationale. À la télé à midi, c’était comme la veille au soir : pas de feu d’artifice. Mais les artifices, oui.

 

15 juillet  

Rien.

 

16 juillet  

En ces jours de trop d’inquiétude, ma vie s’écoule comme un camembert bien fait : Mes nuits, le sommeil peuplé de songes étranges des personnages de mon passé placés dans un présent de pacotille, mes jours emplis d’attente. Il n’y a que le frigo, je crois, pour ralentir l’écoulement du camembert. Mais il y perd son goût.

 

17 juillet  

« OK ! ». À toutes les sauces, à longueur de journée, c’est « OK ! ». « Timothée, c’est l’heure de passer à table. » « OK ! ». « Avant on se lave les mains. » « OK ! » « Tu pourrais dire s’il te plait ! » « OK ! » « OK, je range mes jouets ! » « Timothée, on ne dit pas « OK », on dit « d’accord ! » « Pourquoi d’accord ? » « Parce qu’on n’est pas des Américains, ce sont les Américains qui disent OK. En français, on dit d’accord. Tu es d’accord ? » « Oui je suis d’accord, OK ! »

 

18 juillet  

Timothée, le célèbre philosophe, aide sa mamie à étendre le linge. Ce qu’il aime surtout, c’est installer ses t-shirts sortis de la machine sur de petits cintres et les pendre au fil du sèche-linge. L’exercice n’est pas si facile. Ce matin, il met le t-shirt de travers. « Tu vois, il est mal mis », lui dit mamy. « OK, répond-il. Je recommence. C’est ça, la vie ! » (Vous avez remarqué combien mes admonestations au sujet des « OK » ont eu du succès) Pour l’histoire de ce soir, j’hésite entre celle que j’écris maintenant et dont le titre pompeux est : « Hugo l’escargot ballot », et « Les fondements de la métaphysique des mœurs » de Emmanuel Kant. J’hésite.

 

19 juillet  

Ce coup-ci s’en est trop ! Timothée a dépassé les bornes. Ce matin il m’interroge. « Que faisait mamie quand elle travaillait ? » Je réponds qu’elle était professeure. « Qu’est-ce que c’est une professeure ? » Je lui réponds que c’est comme sa maîtresse, mais pour les enfants plus grands, au collège ou au lycée. Bon, il ne fait pas de remarque. « Mais toi, papy, qu’est-ce que tu faisais comme métier ? » Je lui réponds que j’étais journaliste. « Qu’est-ce que c’est un journaliste, me demande-t-il ? » Je lui réponds que c’est quelqu’un qui écrit dans les journaux. « Les journaux, comme ceux qu’on jette à la poubelle jaune ? » Je lui dis que oui. Alors il part d’un grand éclat de rire. « Écrire dans les journaux, non mais franchement,  à quoi ça sert ? Maman est docteur, papa fabrique des bateaux gigantesques, et toi, tu écris des journaux ! Non mais franchement, à quoi ça sert ? » Timothée, je ne veux plus te voir !

 

20 juillet  

De la baie vitrée de mon bureau je vois le jardin totalement colonisé par les jouets, les tentes et les tunnels, les tables et les petites chaises, les coupelles pleines d’eau qui servent de terrain d’atterrissage pour des escargots atterrés et la tortue qui ne sait plus sur quel pied danser dans ce capharnaüm coloré. Et l’incessant babillage de Timothée a rendu muettes toutes les mésanges, toutes les tourterelles, et muets les pigeons et les chardonnerets, et même les goélands  qui, là-haut, très haut dans le ciel, tournoient désemparés comme de grands voiliers sans équipages.

 

21 juillet  

Hier j'ai lu à Timothée, relu plutôt, une histoire que j'ai écrite pour lui et qui s'appelle « Solange, la mésange songeuse ». Je vous la résume : Solange est une mésange songeuse qui veut savoir pourquoi le monde est si bizarre. Et elle pose toute sorte  de questions :

« Pourquoi la tortue porte-t-elle sa maison sur le dos ? », demande-t-elle. « Parce que si elle portait sa maison sur le ventre, elle ne pourrait pas marcher », répond le pigeon.

« Pourquoi le soleil se couche-t-il et me laisse-t-il dans le noir tous les soirs ? » « Parce qu’il n’aime pas quand il fait noir le matin », répond le goéland.

« Pourquoi les escargot ne peuvent-ils pas voler ? » demande-t-elle alors. « Parce que la piste de l’aéroport est trop courte pour qu’ils décollent », répond le hérisson.

« Pourquoi les étoiles choisissent-elles de briller quand les mésanges dorment ? » « Pour que tu ne les confondes pas avec des mirabelles », dit le lézard.

« Pourquoi la pluie tombe-t-elle de haut en bas ? » « Parce que c’est difficile de marcher avec des parapluies aux pieds », affirme le ver de terre.

« Pourquoi est-ce que je n’arrive jamais à attraper mon ombre ? » « Mais où la rangerais-tu puisque tu n’as pas de poche », lui répond l’araignée…

Solange, la mésange songeuse n’est pas très contente de ces explications. « Avec vous, je ne comprendrai jamais rien », crie-t-elle en tapant des pattes. Le grand hibou passe par là. Il est très intelligent, ça se voit à ses lunettes. Il demande à Solange pourquoi elle est en colère. « Je me pose plein de questions mais mes amis me répondent n’importe quoi. J’aimerais tout connaître sur le monde », répond Solange. « J’ai une idée, lui dit le hibou. Il faut que tu ailles à l’école. » Et c’est ainsi qu’en septembre, Solange la mésange songeuse entrera en CP. Fin de l'histoire.

Donc je raconte cette histoire à Timothée qui, comme à son habitude, écoute sans dire un mot. Mais quand je finis, il me dit : « elle est bizarre ton histoire, il y a quelque chose qui ne va pas ! » Je lui demande ce qui est bizarre, et il me dit : « La mésange ne peut pas rentrer en CP, elle n'a pas été à la crèche ni à la maternelle ! »

 

23 juillet  

Pas de pensée le 22 juillet. Parce que nous n’avons rien fait, donc il n’y avait rien à dire. La veille, 21 au soir, nous sommes partis du port d’Arradon en bateau et Timothée a passé la nuit sur le bateau amarré au port de La Trinité-sur-mer. Première nuit dans le bateau. Il a décidé que désormais, il ne dormirait plus que dans le bateau de mamie et papy. Il avait emmené une partie de ses jouets, et notamment son train qu’il a fabriqué en Duplo. Je lui ai dit qu’un train sur un bateau, c’était très bizarre. Il m’a répondu que ce n’était pas un vrai train et que de toute façon, c’était un TGV. Je me suis incliné devant ces arguments. À midi nous avons mangé sur le bateau et ensuite, nous avons appareillé pour revenir dans le Golfe du Morbihan et Arradon. Comme nous avions le temps et qu’il faisait beau, nous avons pêché à la traîne, avec une grande ligne garnie de plumes multicolores et d’hameçons très piquants. C’était l’heure de la sieste de « Séraphin, le dauphin fin » qui, dans l’histoire que j’ai écrite, s’amuse à délivrer les maquereaux que les pêcheurs prennent à la traîne. À peine la ligne à l’eau, Timothée a demandé « alors ils viennent les poissons ? ». Bon il a fallu attendre une petite demi-heure pour que je crie : « Poisson ! » Deux beaux maquereaux s’étaient pris à la ligne. Séraphin le dauphin fin nous a laissés tranquilles et ça nous a fait un bon dîner le soir. Donc comme il ne s’est rien passé du tout ce jour-là pour Timothée (et que je me suis endormi sitôt les maquereaux avalés et Timothée couché) je n’ai rien écrit. Mais ce matin au réveil, Timothée était très malade. La semaine dernière, otite de l’oreille gauche. Là c’est la droite. Douleur, pleurs, cris, fièvre et vomissements. Je voulais appeler le Samu, le Cross, les secours par hélicoptère…Mamie s’est contenté d’appeler le médecin et elle a eu un rendez-vous. Antibiotique et Doliprane. À un moment, il est entré dans le coma. Mamie a dit « non, il s’est endormi ». Et puis quand il s’est réveillé, il allait mieux. Moi, je suis content que ça aille mieux et aussi je suis assez fier de moi : je n’ai jamais perdu mon sang-froid. 

 

24 juillet  

Timothée va nettement mieux, mes oreilles en témoignent. C’est amusant, quand les oreilles de Timothée sont malades, les miennes se portent mieux. Et quand Timothée va mieux, mes oreilles se plaignent. Il faudra éclaircir ce mystère. Après « Séraphin le dauphin fin » et « Solange, la mésange songeuse », j’ai dû écrire une nouvelle histoire : « Hugo, l’escargot ballot ». Un escargot vantard qui prétend voler très haut, faire de grands voyages au-delà des mers et des montagnes, faire de la moto et habiter une grande maison quatre pièces avec véranda donnant sur le jardin. En fait un gros ballot comme lui signifie Margot, une jolie demoiselle escargot aux grands yeux verts. L’histoire lui a plu sauf l’épisode de Margot car visiblement, Timothée n’aime pas trop les histoires d’amour. Vous allez de surcroit me faire des commentaires sur le fait que les escargots sont hermaphrodites. C’est vrai en général mais Hugo et Margot font exception. Du coup, je ne vais pas trop insister sur cette histoire et en écrire d’autres. J’ai en chantier l’histoire de « Gédéon, le pigeon bougon » et « Léonard, le léopard bizarre ». Mais si vous avez d’autres idées…

 

25 juillet  

Une pensée pour celles et ceux qui suivent avec un minimum d’attention. Timothée est très, très en forme. Mes oreilles souffrent énormément. J’essaie la recette que Francis m’a suggérée aujourd’hui en réponse à ma pensée du 24 juillet : « Charlotte la marmotte boulotte » et « Tintin le bouquetin malin ». Excuse-moi de te le dire, Francis, ça ne marche pas fort. Mais ce que Timothée aime, c’est que l’auteur lui lise l’histoire lui-même. Alors, Francis, je t’attends. Vite si possible !

 

26 juillet  

Plus que trois soirs. Trois soirs pour raconter mes histoires à Timothée. Ce soir ce sera « Gédéon, le pigeon bougon ». Mercredi il reprend le train pour Paris, sa maman vient le chercher. Ensuite je ne vous ennuie plus avec Timothée, je passe aux choses sérieuses. Ça craint ! Aujourd’hui rien à dire à propos de Timothée. Il est descendu prendre son petit déjeuner tout seul. Mamie s’est levée pour lui laisser la place et il s’est assis sur sa chaise. « Les coussins sont encore chaud, tu étais assise dessus, mamie, a-t-il dit. Du coup, je vais attraper le coronavirus par les fesses ! » Bon, sinon il a joué comme un enfant de quatre ans. Je me prépare, je crois qu’il va me manquer.

 

27 juillet  

Grandes récoltes avant que Timothée s’en aille. Avec Mamie, on ramasse les mirabelles. Il y en a à peine pour 4 mini tartelettes cette année. Le mirabellier est un peu comme moi, à bout de souffle. Comme nous ne sommes que nous trois et qu’il y a 4 tartelettes, il a décidé qu’il y en aurait deux pour lui : « c’est normal, je suis petit et je dois grandir ». Avec papy, ce matin, c’était la récolte des pommes de terre. Une chasse au trésor en vérité. On réserve un rectangle de 2 mètres sur 3 pour les pommes de terre. Moi je bêchais et lui prenait les pommes de terre. La découverte de chaque pomme de terre donnait lieu à de telles manifestations de joie avec cris et hurlements que les voisins se sont affolés. Je crois même que certains étaient à deux doigts d’appeler les services sociaux ou la gendarmerie. On a rempli une cagette quand même mais à la fin, Timothée m’a dit : « Elles sont dures, je crois qu’elles ne sont pas mûres ! »

 

28 juillet  

Les rêves de Timothée. La nuit d’avant la nuit dernière, j’ai été réveillé à deux heures par la sonnerie du talkie-walkie de Timothée. Timothée dort à l’étage et notre chambre est au rez-de-chaussée. S’il a besoin de nous, il peut appeler grâce à un talkie-walkie. En un mois, il ne l’a utilisé que trois fois. Sympa ! Donc je me lève et je me précipite à l’étage. Timothée a fait un mauvais rêve. « Il y avait un monstre sur la banquette mais en fait ce n’était peut-être pas un monstre, il y avait quelqu’un qui n’avait pas de tête ». Bon je lui dis que quelqu’un sur la banquette qui n’avait pas de tête, ça pouvait être papy. Il a ri moyen. Un petit verre d’eau et un câlin et il s’est rendormi. Hier à la sieste, il a beaucoup dormi. J’ai dû le réveiller au bout de deux heures. Je lui demande s’il a bien dormi et s’il a rêvé. Il me dit « oui j’ai rêvé d’un RER B qui entrait à la gare Montsouris ». Les beaux rêves de Timothée, c’est quand il y a un train. Ce matin, quand je l’habille après son petit déjeuné, je lui demande s’il a rêvé. Il me dit : « J’ai rêvé d’un RER B. Mais un rêve de monstre est venu couper la parole de mon rêve ». Et Timothée, le grand poète, a ajouté ces vers inoubliables :

« Je pense que la nuit est trop grande

Et mon cerveau est trop petit

Pour faire entrer tous mes rêves ».

Ça, j’aurais aimé le dire moi-même !

 

29 juillet  

Bon, ça y est ! Il est parti, nous l’avons accompagné à la gare. Timothée attendait le TGV pour Paris-Montparnasse avec impatience et appréhension : ses oreilles ne supportent pas le bruit des freins. Et il avait peur que le train s’en aille sans lui. Mais tout s’est bien passé. Il est parti, mon cœur saigne mais mes oreilles, les miennes, sautent de joie. Celui qui n’a jamais eu en même temps le cœur qui saigne et les oreilles qui sautent de joie ne comprendra jamais combien bonheur et douleurs sont intimes !

 

30 juillet  

Timothée est parti mais c’est un grand sorcier. Cette nuit, vers 2 heures, la sonnerie du talkie-walkie de Timothée m’a tiré brusquement du sommeil. J’avais pourtant éteint les appareils et ils étaient rangés dans un placard. J’ai quand même été vérifié si Timothée n’était pas dans son lit à l’étage. Non. Comment fait-il ?

 

31 juillet  

Je relis mes pensées quotidiennes du mois de juillet et je m’aperçois que Timothée a occupé beaucoup de place. C’est un peu une injustice. Dans ma vie, elle aussi (elle surtout) prend beaucoup de place. Elle est toujours avec moi, même quand elle n’est pas là. Et quand elle n’est pas là, je fais des bêtises, par exemple j’oublie de noter des rendez-vous importants. Aujourd’hui, à propos de ces rendez-vous oubliés, elle m’en a reproché un. Je lui ai demandé pourquoi elle ne l’avait pas noté elle-même. Elle m’a répondu : « mais je n’étais pas là ». Alors je lui ai dit : « Mais si tu étais là puisque tu es là même quand tu n’es pas là ». Les femmes ne comprennent rien à l’amour.

 

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