Vingt-quatre-mille-trente-et-un

L’Europe a trouvé à répondre à l’immense émotion des peuples devant la photo d’un enfant réfugié mort sur une plage. Et comme pour confirmer la nature existentielle de cette Europe-là, Jean-Claude Juncker a demandé à la France d’accueillir 24 031 réfugiés. On ne peut pas faire plus froidement technocratique ! 

 

Avec l’humanité qui le caractérise, le président de la République a aussitôt annoncé que la France y était disposée. « En deux ans », précise-t-il néanmoins. 24 031, pas 25 000, ni 22 000 ! 24 031 pas un de plus, pas un de moins. 

 

Évidemment, on ne peut accueillir toute la misère du monde ! Ni tous les orphelins de guerre, ni toute les lycéennes enlevées et vendues à des vieillards libidineux, ni toutes les mères de familles violées sous les yeux de leurs enfants, ni tous les opposants enfermés et torturés, ni tous les affamés des zones désertifiées, ni tous les réfugiés des îles englouties par la montée des eaux… 

 

Mais 24 031 on peut… à la rigueur. 

 

24 031, c’est ce que François Hollande appelle « une crise des réfugiés maîtrisée ». Ah la belle maîtrise ! Ô l’admirable sang-froid d’un président qui ne se laisse pas aller à la première émotion venue ! 

 

Car en accueillir plus, la France n’en a pas les moyens. On ne savait pas que la France, qui au vingtième siècle accueillait les antifascistes italiens, les espagnols réfugiés de la guerre civile par centaines de milliers, les juifs allemands et polonais persécutés par les nazis, les travailleurs portugais, algériens, les pieds noirs, les boat peoples… cette France-là était tombée si bas qu’elle est aujourd’hui incapable d’accueillir un réfugié par commune !

 

À droite on fait jouer les peurs : du grand remplacement, de l’identité nationale malmenée. Comme si la France était devenue espagnole, pied noir, italienne, polonaise, vietnamienne, portugaise, algérienne ! Pourquoi deviendrait-elle kurde, syrienne, irakienne, afghane si elle ouvrait grand ses bras, sans compter, aux réfugiés d’aujourd’hui ?

 

Mais accepter comme le fait ce président maquignon, d’accueillir les 24  031 réfugiés fixés par l’Europe, c’est donner raison à cette droite, cette extrême droite, c’est ouvrir ces peurs aux esprits et aux cœurs de gauche. Et c’est ça, malmener notre identité nationale ! 

 

Je me demande qui sera le vingt-quatre-mille-trente-deuxième réfugié que la France ne pourra accueillir. Un bambin de trois ans ? Une jeune combattante kurde ? Un opposant syrien ? Et sur quelle plage d’Europe son cadavre gonflé échouera-t-il pour rouler dans les vagues de la honte ?

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