Mes pensées du mois de décembre

  1er décembre.

Ça, c’est fait ! Pour Valls, ça reste à faire. Ça ne peut pas être Valls qui rassemble la gauche. J’ai bien compris ? Rassembler la gauche, ça reste l’objectif ?

 

  2 décembre.

L’Histoire de France racontée aux enfants. France-2-la-télé-du-service-publique nous a raconté l’Histoire de la France. « Il était une fois un président de la République qui fut, à la fin de son quinquennat, empêché de se représenter. Pourquoi ? Pour trois raisons historiquement incontestables. La première raison, c’est de s’être directement adressé à la jeune roumaine expulsée Léonarda. La seconde est de s’être fait prendre la tête dans le casque, se rendant de nuit au domicile de sa maîtresse. La troisième de s’être laissé aller à des confidences confidentielles auprès de journalistes qui, oh surprise, s’empressèrent de dévoiler ces confidences dans un livre. » Et voilà comment France-2-la-télé-du-service-public conçoit l’information du public en question. Un conte pour enfant à dormir debout (ou à voter couché plutôt). Ce n’est pas parce qu’il a trahi tous ses engagements, échoué sur toute la ligne (sociale-libérale). La loi El Khomri, la déchéance de nationalité n’y sont pour rien… Ah oui mais ça, ça devrait aussi empêcher Valls d’y aller ! Mieux vaut l’histoire du casque !

 

  3 décembre.

Le froid fait trembler les étoiles. Le ciel, noir et lumineux, nous incite à la lucidité. Pourtant quelqu’un a convoqué les plus rigides des principes énoncés par les tribuns et penseurs les plus rigoureux. Il les a mélangés dans une éprouvette de laboratoire. Puis il est monté sur une chaise et s’est adressé à la foule rassemblée (par d’autres). Et il leur a dit : « Voilà ce qu’il faut faire car telle est la vérité ». (S’il avait seulement ajouté « à mon avis », peut-être l’auraient-ils écouté.)

 

  4 décembre.

Une belle fête. Parfois, et souvent même, j’aimerais rester dans ce nuage où je trouve refuge. Ce n’est pas que je sois triste, las, ou sans espoir, bien au contraire. C’est que je veux faire durer les instants trop courts où les hommes et les femmes deviennent si évidemment beaux et belles. Et puis, ça passe, et la vraie vie prend le dessus sur les exaltations éphémères, et tout redevient banal, avec son lot de mesquineries coutumières. Quand même reste la couleur douce du nuage, au moins de son souvenir.

 

 

 

  5 décembre.

Réconciliation. Mais qu’est-ce qui me fait penser à ce film de Georges Lautner, dans lequel Jean Yanne  qui sort de prison, finit par se réconcilier  avec Mireille Darc, sa femme, qu’il croit responsable de son incarcération ? Son titre ? « Laisse aller, c’est une valse ». Non, je ne vois pas...

 

  6 décembre.

Maux et remèdes. Pic de pollution aujourd’hui sur Paris. Le remède semble être la circulation alternée. Allez Manuel,  comme François, passe ton tour ! 

 

  7 décembre.

Je ne m’aime plus. Loin des vents salés, cette nuit j’ai rêvé de la mer. Mon voilier se couche dans les rafales, et les embruns mouillent le pont. Pourtant nous sommes tranquilles, elle et moi. Et soudain le mat qui se brise, et toute la toile, le gréement, les drisses qui me ligotent, et je suis sous l’eau, j’étouffe je ne peux me dégager, puis je ne le veux plus, l’eau devient rose et verte, chaude, elle m’accueille. Je me réveille en sueur. J’allume la lumière et m’empare d’un livre, seule façon de calmer mon angoisse. La lumière la gêne au point qu’elle se lève et va dans le salon s’allonger. Je ne m’aime plus du tout, je suis confus, je lui demande pardon. Elle refuse. Alors je cherche à retourner dans mon rêve, là où j’en étais, que la mer me reprenne. 

 

  8 décembre.

D’accord, je viens. J’ai regardé Benoit Hamon ce soir. J’imagine... qu’en janvier, 2 millions d’électeurs de gauche votent et que ce soit lui qui l’emporte... Il se passe quoi, alors ? Elle me dit arrête un peu tes questions et viens te coucher.

 

  9 décembre.

Dans le noir. Panne de courant dans  le quartier de Malakoff depuis 17 heures. Ils font ce qu'ils peuvent, sans doute, n'empêche… Dans le noir… C'est long… Il  fait froid, la chaudière ne fonctionne plus… Je pense aux millions de Français qui vivent la précarité énergétique. J'ai un toit, un lit, une couette et elle qui m'y attend. Je ne me plains pas. Sans domicile, sans abris, ça signifie aussi sans sexe, sans amour.

 

  10 décembre.

Pollution ou brouillard ? On avait ce samedi levé la circulation alternée à Paris mais la gorge et les yeux brûlaient tout autant que la veille, et l’air semblait épais aux fenêtres éclairées des tours. Je me suis demandé si cette brume n’était pas la conséquence de l’inconséquence de mes idées. Une brume de cerveau en quelque sorte. Ou une pollution somatique. En tout cas quelque chose d’inquiétant, même pour quelqu’un qui ne serait pas spécialement hypocondriaque. Alors pensez, pour moi...

 

  11 décembre.

Retour en Bretagne par une route cotonneuse. Un épais brouillard continu de Paris à Rennes, la pluie en arrivant sur Vannes. Autour de la maison, les arbres dressent au ciel un poing rageur. Ils refusent leur nudité. Je les comprends : il fait froid.

 

  12 décembre.

Effarement. « Ma candidature est une révolte », a-t-il dit au Parisien. Je lis les déclarations de Valls avec de plus en plus d’incrédulité et d’effarement. Il me revient une phrase de Victor Hugo qui dit à peu près dans Les Misérables. « Il y a des gens qui respectent les règles de l’honneur comme on observe les étoiles : de très loin. »

 

  13 décembre.

Confession. Le plus évident de mes défauts est de n’être pas méchant. Et, faute impardonnable, je n’en ai pas envie. Je n’ai envie de tordre le cou à personne, pas même aux ennemis du peuple. Pas même à ceux qui m’ont insulté, persécuté, qu’ils soient adversaires ou qu’ils se prétendent de mon camp. Je sais ce que me coûte cette confession. Tout simplement ma crédibilité. On dira de moi : il est gentil. (Et je risque de prendre ça pour un compliment).

 

  14 décembre.

Vaine recherche. Hier, je suis allé à la pointe d’Arradon, regarder comme était la mer. Vers l’Ouest, le soleil  s’alitait sur un drap de soie taché de rouge, juste légèrement plissé comme après un amour tranquille. A l’étal de la marée, l’eau semblait morte et les bateaux au mouillage évitaient en désordre. Je me cherchais là, dans ce paysage immobile, sans me trouver vraiment. (La vie ne vaut que par le vent, le courant, la vague).

 

  15 décembre.

Fines particules. Depuis hier, Paris. Sans doute la capitale me désire si fort que ses baisers m’étouffent. Même d’amour  je ne veux pas mourir... demain je remets le cap à l’Ouest.

 

  16 décembre.

Météo-psy. Décidément, l’anticyclone s’est établi. Les hautes pressions pèsent sur les épaules de la mer. Dans le couchant, elle brille comme une nappe de plomb fondu sur laquelle glissent des bernaches poussives. C’est comme si tout allait bientôt mourir, dessous et autour. (C’est étrange que cet anticyclone puisse provoquer comme une dépression.)

 

  17 décembre.

À quoi rêvent les marins ? Croyez-vous que le sort des marins soit en tout point enviable ? Eux, avec envie, appréhension et impatience, ils scrutent l’horizon en quête de la terre, du rivage, du port. Pendant ce temps, les regards, les pensées des terriens cinglent vers le grand large, il leur reste bien plus d’un rêve à vivre !

 

  18 décembre.

Paix des brumes. Du fond de mon lit de fièvre, je me demande ce que vaut cette année le vaccin contre la grippe. Dehors, le brouillard s’est accroché au mirabellier et les oiseaux eux-mêmes ont perdu leur chemin. De toute façon, aujourd’hui, je n’entendrai pas leurs chants. Le silence est de mise.

 

  19 décembre.

Hiver hivernal. Une pluie, froide, s’est décidée à tomber. Ici, sans elle, ne se ressemblait plus. Et les feuilles qui restent, lestées de ces sanglots, étaient déjà bien lourdes à supporter leur ombre. C’est ainsi, et c’est mieux, quand la saison s’assume, on peut sans trop de crainte espérer le printemps.

 

  20 décembre.

Berlin. « La mort n’est jamais un hôte très bien venu », disait Goethe. Pourtant elle s’est invitée hier à Berlin et ça fait un grand vide au creux du ventre. Nous cheminons au bord, tout au bord du précipice, et il faut pourtant marcher. On ne choisit pas toujours le chemin, et même rarement le paysage. Ces morts désarment la raison et on ne peut les effacer. « Tout est combat, lutte, disait encore Goethe. Seul mérite l’amour et la vie celui qui chaque jour doit les conquérir ». L’effort qu’il demande est gigantesque.

 

  21 décembre.

Bons princes. C’est l’hiver, le froid s’installe, les arbres sont nus et lèvent au ciel leurs branches noires, tordues et glacées. Dans les rues les dos se voûtent, les gens pressent le pas et refusent de s’envisager. Chacun s’enferme dans son univers égocentrique... C’est ce moment que choisissent les jours pour annoncer : « demain on commence à se rallonger ».

 

  22 décembre.

Noël bientôt. Les lumières attirent les chalands. Ça se presse dans les magasins. On oublie la dureté de la vie dans une danse païenne devant les caisses des galeries marchandes. Mais les financiers, eux, n’oublient pas que s’il vous reste un peu de monnaie, c’est pour eux. Allez, allez, pendant les Fêtes, on ne compte pas ! (Eux, les marchands, ils s’en chargent).

 

  23 décembre.

Jusqu’au-boutisme mal situé. Demain au réveillon, avant de passer aux choses sérieuses, je vais devoir l’annoncer. Il va me falloir beaucoup de courage pour le dire et j’espère que mes convives en auront pour l’entendre. Voilà : j’ai décidé que le temps de la rupture était venu, que la révolte contre la société consumériste et productiviste devait prendre un tour concret. Donc, demain, pas d’huîtres, pas de foie gras, pas de vin fin ni de champagne, pas de bûche et pour finir, pas de cadeaux... Mais non, je plaisante...

 

  24 décembre.

Conte de Noël. Demain, sur leurs patinettes neuves,  les enfants bousculeront les passants. Au guidon de leurs vélos rutilants, ils renverseront quelques vieillards impotents. D’autres, un peu plus âgés, s’accrocheront à leurs tablettes énervantes, et leurs drones s’écraseront contre les murs et se fracasseront sur les trottoirs. Des peignes arracheront les cheveux des poupées Barbie et les sabres laser, les mitraillettes suprasonics et les canons à particules enverront leurs éclairs factices dans toutes les directions et en particulier vers les petits frères insupportables et les petites sœurs agitées. Ce sera le grand bazar de Noël, avec bruits stridents, cris acérés, pleurs déchirants et colères très injustes, caprices mal venus... « Insupportable, dira le Père Noël, j’y crois pas, j’y crois pas ». Nous, on continue d’y croire, malgré tout.

 

  25 décembre.

Destin. Faut-il le regretter ? Dois-je culpabiliser ? Je ne renie rien. Même si, je le concède,  les choses auraient pu tourner autrement... si je n’avais pas toujours cru au Père Noël.

 

  26 décembre.

Thomas Coville. Que peut-il bien se passer quand un escargot tombe en amour pour un autre escargot qui se trouve à l’opposé du bassin du Luxembourg ? Le temps que le premier ait l’idée de monter sur un de ces voiliers modèle réduit qui pourrait le faire traverser, le second aura vraisemblablement jeté son dévolu sur un troisième. A défaut de satisfaire son cœur, il aura au moins assuré sa descendance. Telle est la triste réalité quand, faute d’imagination et d’audace, on ne cherche que ce qu’on peut trouver à portée de la main. Heureusement, tout le monde n’est pas comme ça.

 

  27 décembre.

Loin de tout. Déjà près d’une semaine que je suis à Paris, loin de mes poètes (sagement restés pour les Fêtes, dans ma bibliothèque d’Arradon). Sans eux, l’inspiration se dérobe. Je cherche en vain une pensée à peu près cohérente, rien ne vient que des histoires étranges d’escargots amoureux et d’un Père Noël qui ne croit plus en rien. Il y aurait pourtant à dire (même quand mes poètes se taisent) de la rose fleurie il y a quelques jours et qui s’est fait surprendre par le givre de cette nuit.

 

  28 décembre.

La nuit, parfois, c’est bien. Soirée d’hier avec Timothée pendant que ses parents sortent au théâtre. Cet enfant est un bonheur facile. Il dort dans la chambre juste à côté de la nôtre. Il chougne un peu pendant son sommeil. Je me lève (évidemment) et je vais doucement m’assurer que tout va bien. A genoux devant son petit lit, je le regarde dormir de longues minutes, je vois sa poitrine se gonfler et se dégonfler paisiblement, je vois de doux frissons parcourir son ventre, je vois sa main se serrer sur son « doudou ». De loin monte un soupir heureux qui se perd sur ses lèvres. Et voilà que je vois ses rêves : des rêves de cubes empilés, d’oiseaux rouges sur le sable, des songes de dunes douces, de tortues impatientes, de petits graviers blancs. Il court de feuille en feuille sur une pelouse bleue, grimpe et se roule sur un canapé vert. Il vit en rêve ses découvertes diurnes et leur donne des couleurs, toutes à sa convenance. (Et je garde tout ça pour moi, bien au chaud, trop précieux pour être partagé.)

 

  29 décembre.

Réforme ou révolution ? Le dernier jour de l’année 2016 approche. Est-ce l’heure d’un bilan ? Bonne ou mauvaise année, il y eut en 2016 à peu près autant de couchers de soleil qu’en 2015 et il n’est pas improbable que cette implacable statistique se renouvelle en 2017. Par ailleurs, à la marge, il est possible que des choses changent. On verra.

 

  30 décembre.

Retour en Bretagne. C’est comme si la pluie ne tombait plus et restait accrochée, ainsi, aux branches dénudées et aux réverbères amblyopes. Le brouillard suspendu noie tout le paysage et n’annonce rien de bon. (Par exemple : si le givre s’y mettait vraiment, tout l’air qu’on respire encore deviendrait un bloc compact et glacé et dans mille ans, la découverte par quelques monstres à venir de nos corps figés dirait la cécité de notre monde jusqu’à sa perte.) J’ai deux jours pour donner ma réponse. Quelle sera ma résolution pour 2017 ? Difficile d’y penser : j’ai attrapé une brume de cerveau.

 

  31 décembre.

Un peu de répit. L’année prochaine seulement, je déciderai si je dois encore penser une fois par jour, comme tous les jours de 2016. Ce soir je me contente de réveillonner. Demain, mes vœux. 

 

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