Mes pensées quotidiennes du mois de juillet 2017

  1er juillet 2017.

Vous croyez que c’est innocent, vous, une pensée par jour. Mais en fait, une pensée par jour, ça fait peur ! Imaginez un peu. Vous pensez mais votre pensée vous échappe. Elle enfle et elle s’envole comme un ballon de baudruche. Et puis, échappant à tout contrôle, elle connait l’ivresse de la liberté, qui provoque faim et soif. Alors, elle boit votre sang et vos larmes, et finit par vous dévorer, vous, votre famille, votre maison, et puis la terre et enfin l’espace. L’espace succombe dans un spasme d’horreur et de plaisir, les couleurs se mélangent et s’éteignent. Alors vous vous dites qu’une pensée, même une seule par jour, on la maîtrise, on lui met la bride sur le cou, on ne la laisse pas vivre sa vie, à sa guise. Et le mieux est encore, dès qu’on l’attrape, de la coucher sur le papier.

 

  2 juillet 2017.

Au fond, peu importe qui, l’essentiel est d’aimer. Voir dans les yeux de silex la promesse d’une nuit, dans la nuque courbée l’appel de la main. Dire tout ce que la bouche appelle, ce que les hanches exigent, ce que le sexe réclame. Entendre (sans leur obéir) les rumeurs discrédits. Sentir, les cheveux parfumés, les prairies bien iodées. Goûter à la source de tout, boire tout ce qui s’ensuit…

 

  3 juillet 2017.

Nous mettrons désormais deux heures et trente minutes, soit 25 minutes de moins qu’avant, pour rallier Vannes depuis la gare Montparnasse et la réciproque est vraie. Et nous paierons plus cher, c’est annoncé, mais avec moins de précision. Alors, un salarié Rennais se trouvera à une heure trente-cinq minutes d’un éventuel emploi parisien. A condition qu’il habite près de la gare de Rennes et travaille près de la gare Montparnasse. Et il paiera cher son abonnement SNCF mais la télévision n’en parle pas. Et une chômeuse longue durée, qu’elle habite Quimper ou Saint-Denis, restera à des années lumières d’un emploi stable et bien rémunéré, mais la télévision macronisée a classé cette information « secret défense ». 

 

  4 juillet 2017.

C’est un très beau voilier, un bateau taillé pour la course, un voilier marin à la coque bleue-nuit, un mat immense et des voiles blanches immaculées. Ils sont au moins quinze hommes d’équipage pour le mener. Quand il arrive à proximité de la côte les marins ayant fini d’amener le foc puis la grand-voile, le voilier continue d’avancer sur son ère, droit vers les récifs acérés. On entend alors un coup de sifflet et je vois l’équipage s’aligner sur le pont. Au deuxième coup de sifflet, les hommes déboutonnent leurs braguettes et pissent dans la mer, face à moi. Il n’y a pas d’autres coups de sifflet, pas un bruit : c’est en silence que le voilier s’écrase sur les rocher, c’est sans éclat qu’il sombre et sans cri que l’équipage se noie. (Les rêves de juillet sont parfois inquiétants).

 

  5 juillet 2017.

Mes pensées du jour deviennent de plus en plus souvent des pensées de nuit. Ce n’est pas bon pour les pensées. Elles marient l’ombre et la pénombre et racontent des histoires plutôt ténébreuses. Je devrais changer de rythme : me lever tôt, coucher mes pensées à l’aube. Des pensées lever de soleil, des pensées rouges à l’Est, des pensées chevauchées sur de grandes plaines herbeuses, ou des pensées coulées dans une eau claire et fraîche. Alors, devant mes pensées érigées, un soleil solennel distribuera sans parcimonie sa chaleur, ses brûlures et ses mélanomes malins. 

 

  6 juillet 2017.

Il y a des jours comme ça, l’univers te regarde avec bienveillance. Tu parles aux oiseaux, ils te répondent gentiment. Les pierres du mur disent tout le bien qu’elles pensent de toi, de tes regards d’affection quand tu les frôles de la main. Autour des étoiles, innombrables sur la voûte, le noir s’efface et des couleurs vives, où domine le vermillon, saluent le courage de tes engagements. Tu aimerais alors, c’est sûr, tu aimerais, les hommes à l’unisson. Hélas.

 

  7 juillet 2017.

Bon, y a longtemps que j’ai pas écrit un ti poème. Je fais un SMS-poème.

« Je t’m, je ta dor,

 je kiff tou de toi que s’en est chelou

je te veux à moi que s’en est relou

et je t’m tellement que tu n’y crois pas

et même que je t’m quand je ne t’m pas »

 

  8 juillet 2017.

Chaque matin, quand je m’éveille, je m’étonne. Je suis encore là. Pourquoi ? Parce que la vie mérite son lot de succès. Il m’est arrivé de penser que la mort ne gagnait qu’une fois, mais que sa victoire était définitive. C’est mal penser. Comme si la vie ne concernait que chacun d’entre nous. Vivre, ça ne nous regarde pas, ça regarde le monde.

 

  9 juillet 2017.

Converser avec les légumes ou les merles du jardin, c’est bien. Mais j’ai remarqué qu’avec ces interlocuteurs, c’est surtout moi qui parle. Ils m’écoutent. Certes avec attention, avec sympathie même. Mais j’ai quand même du mal à savoir ce qu’ils pensent réellement. J’ai interpellé une tomate (celle qui semble la plus mûre), pour lui demander ce qu’elle pensait de mes poèmes. Elle m’a demandé est-ce que je peux parler franchement. Je lui ai dit bien sûr, ça me ferait plaisir. Elle a dit pour juger de tes poèmes, je crois que je n’ai pas de mot.

 

  10 juillet 2017.

Un jour quand même, (et plus surement ce sera une nuit), nous nous rendrons compte que nous avons changé le monde. Il y aura du vin, de la danse, et du sexe à partager. Nous danserons et boirons et ferons l’amour sur les ruines crasseuses des temps anciens jusqu’à plus soif, jusqu’à oublier ce que, diable, nous avons fait pour en arriver là. Et nous dirons à nos enfants : « faites comme nous, cherchez ! »

 

  11 juillet 2017.

Pourquoi je ne suis pas poète ? Parce que je n’ai aucun projet en poésie. Je me pose le soir devant mon ordinateur en me disant « p… je n’ai pas écris ma pensée du  jour, il est 21 h 47 et il me reste 2 heures et 13 minutes avant qu’aujourd’hui soit demain et que ma pensée d’aujourd’hui ne soit qu’un pur mensonge ». Alors, je prends dans ma bibliothèque un livre de poésie au hasard, par exemple là, une anthologie de Sam Hamil, un poète américain. Je l'ouvre au hasard, page 137 et je lis : « Certains poèmes s’allongent comme des séquoias/ prenant une éternité pour/ devenir de hauts seigneurs. » Alors je ferme le livre et j’écris : «  Ma pensée du 11 juillet 2017. » Et la suite…

 

  12 juillet 2017.

J’ai voulu parler aux agapanthes du jardin. Il ne faisait pas très beau, elles n’ont pas répondu. Elles se contentaient de se balancer dans le vent. Je les ai bien observées. C’est impressionnant de voir combien de rêves, de songes, de spéculations, de débats enflammés tiennent dans une agapanthe. Ça part de tous les côtés, ça disserte, ça imagine, ça métaphore à tour de bras. Moi, si j’étais agapanthe, peut-être que je serais poète. Et si j’étais révolutionnaire, comme le jasmin et les œillets sont déjà pris, je ferais la révolution des agapanthes.

 

  13 juillet 2017.

D’abord je t’en veux, tu ne m’a pas prévenu. Tu es parti comme ça, tu t’es barré me laissant, ravagé. La dernière fois que je t’ai vu, dans l’ascenseur à Fabien, à mon « ça va, Henri ? » tu as répondu un peu drôle, un peu moitié-moitié. Evidemment, ça m’a un peu alerté. Je t’ai lancé une pique, comme ça, je ne sais plus trop de quelle façon, un truc sur la politique, et tu as démarré au quart de tour. J’étais rassuré. Et je t’ai embrassé. Et voilà. Merde, Henri…

 

  14 juillet 2017.

Je connais des hommes granit, les vagues millénaires ne peuvent les éroder. Je connais des hommes sel, blancs, durs, brillants, une seule larme les fait fondre. Je connais des hommes soleil, brûlants, hommes de chaleur qui consument tout ce qu’ils consomment. J’aime assez les hommes pluie, qui nourrissent sans la ramener, sans en avoir l’air, et qui savent que lorsqu’ils se retirent, la vie continue de plus belle. 

 

  15 juillet 2017.

Elle ne me comprend pas. Et ça créé des discordes artificielles qui me désolent. Par exemple : ce soir j’arrose nos tomates (qui rougissent mieux que la chemise d’un mineur en manif face à un peloton de gardes mobiles). Elle me dit n’arrose pas les feuilles, arrose bien au pied. Moi je me mets en colère. Elle croit que c’est contre elle, parce qu’elle m’a fait une remarque. Mais non, c’est ma colère puissante, coutumière, dévorante, inextinguible  contre mes propres limites, mes maladresses, mes incapacités à réaliser les choses les plus simples de la vie. Je ne peux plus me voir, je me mets hors de moi. Heureusement, je me fréquente peu. Mais elle, elle qui m’a à ses basques nuit et jour. Comme je l’aime de me supporter !

 

  16 juillet 2017.

Pointe d’Arradon, ce matin calme de marée basse. Deux femmes (deux sœurs peut-être) assises sur un banc. Elles sont vêtues comme en hiver et ne parlent pas. Leur visage est tourné du côté de la mer qu’elles semblent ne pas voir. Un chat passe devant leur banc et se frotte contre leurs jambes sans provoquer la moindre réaction. Dégoûté le chat s’éloigne. Au moment où je pense percer leur mystère, l’une d’elle, la plus âgée semble-t-il, se lève et s’en va. L’autre reste immobile sur le banc. Je renonce à comprendre.

 

  17 juillet 2017.

Une histoire (pour changer un peu).

Il ne mettait guère d’ardeur à la conquérir et elle s’impatientait. Il lui raconta une récente aventure malheureuse. « Je crois désormais toutes les femmes perverses », lui expliqua-t-il.  Dès lors elle s’ingénia à lui prouver le contraire. Quand il fut enfin convaincu, elle le quitta. 

 

  18 juillet 2017.

Adolescent, j’étais tellement surpris qu’une fille s’intéresse à moi que je tombais « grave » amoureux pour un simple regard, un mot qu’on m’adressait (et que dire d’un baiser lors d’un slow dans une boum d’anniversaire). Et je n’ai pas beaucoup changé. Ce qui fait que des filles et des femmes de ma vie, je les ai collectionnées par dizaines… Heureusement pour ma santé et mon équilibre, c’était plus dans ma tête que dans la réalité. Puis est venu Facebook et ses « like », qui chez moi sont pour le moins  synonymes de fiançailles.  Imaginez-vous dans quel état je suis aujourd’hui. Mesdames, je crois que vous exagérez !

 

  19 juillet 2017.

Aujourd’hui, je n’ai pas vu la mer, ou juste à peine en passant en voiture. Enfin ça ne compte pas. Donc aujourd’hui, alors que je ne l’ai pas vue, je ne suis pas triste, ça ne me manque pas.  Ce n’est pas comme si je ne l’avais pas vue, elle.

 

  20 juillet 2017.

Je voudrais, comme Desnos, pouvoir écrire, non pas un poème mais un rêve. Pour rêver il faudrait dormir et écrire en dormant, ce n’est guère facile. Sauf si, moi j’écris et vous, vous dormez. Et si j’écris vos rêves et que ça ne nous fait pas dormir, c’est que vous avez de beaux rêves. Et si vos rêves ne sont pas les miens, c’est que je n’y suis pour rien.

 

  21 juillet 2017.

Encore une histoire (vous finirez par les aimer).

C’était un homme extrêmement galant et plein d’attention envers les femmes, envers son épouse en particulier. Au moment de mourir, il s’effaça pour la laisser passer. Vingt ans après, il la suivit. 

 

  22 juillet 2017.

Madame Schiappa, ministre chargée de la question, annonce qu’élever ses enfants permettra d’acquérir une équivalence pour un diplôme « petite enfance ». On pourrait suggérer quelques précisions. Deux enfants permettrait l’acquisition d’un diplôme aide puéricultrice. Pour puéricultrice, il faudrait trois enfants. Et pour quatre enfants et plus, ce serait pédiatre. Voilà de quoi résoudre la question des déserts médicaux. On apprend en même temps que la SNCF a des difficultés à embaucher des conducteurs de train. (Peut-être parce que les Français, ces incorrigibles sans-culottes, se refusent à rejoindre la classe des privilégiés.) En tout cas la SNCF a une double solution selon son responsable au recrutement. D’une part féminiser la profession (pour les femmes qui ne voudraient pas être pédiatres sans doute). D’autre part « ouvrir l’accès à ceux qui n’ont pas le diplôme technique ». Là encore suggestion. Si tu sais faire du vélo tricycle, conducteur de RER A, pour du vélo deux roues, conducteur de TER, pour du skate-board tu pourras conduire le TGV. L’humanité ne se pose que des questions que le libéralisme sait résoudre.

 

  23 juillet 2017.

Lizio. Un musée aujourd’hui, dans la campagne morbihannaise : le musée du poète ferrailleur. Un drôle de bricoleur d’automates, toujours à chercher la lune sauf quand il cherche les étoiles. Des machines qui ressemblent à des machins, avec des ailes, des hélices, des roues, des billes, ça marche à l’eau, à l’électricité, ça grince, ça murmure, ça bruite. Il n’y a rien à comprendre, mais tu te dis que c’est un bonheur de savoir ce que tu veux (et de le faire).

 

  24 juillet 2017.

Franchement, c’est le chemin qui te choisit. Toi, tu ne fais que suivre. Sauf si… Un jour, une hirondelle, ou une vague, ou une banderole d’avenir, ou l’ombre d’un cerisier, ou un corsage… Alors l’horizon semble se dresser à la verticale… Mais c’est désormais le tien.

 

  25 juillet 2017.

Ils allaient en auto-stop, de nuit, pour un long week-end de printemps en Bretagne. Ils ont été pris par un routier, du côté du Mans et ils somnolaient sur sa couchette, derrière lui. La pénombre, les cahots de la route, l’exiguïté de la paillasse… Il l’a embrassée et elle lui a rendu son baiser. Il l’a caressée et elle lui a rendu ses caresses. Ils ont demandé au routier de les arrêter et il les a déposés là, en pleine nuit. Il faisait doux dans le bois où ils ont fait l’amour. Arrivés à destination le lendemain, elle a retrouvé son mari et a rendu à son compagnon de voyage sa sombre liberté. 

 

  26 juillet 2017.

J’ai encore essayé, je vous jure, d’être poète. Mais c’est perdu et, je crois, ce coup-ci, définitivement. Poème : « Etoile après étoile, nous recoudrons la nuit, toi et moi. Notre lit sera le vaisseau où l’univers défroissera ses plis de lumière. Dans les trous noirs du passé les planètes joueront à réveiller nos baisers où nos messages lactés diront au monde enfin toute la place de l’homme. Et, s’il te plait, si tu pouvais aussi penser à recoudre l’ourlet de mon pantalon… »

 

  27 juillet 2017.

Je ne sais pas si le spectre du communisme hante toujours l’Europe. Mais il doit hanter la direction de l’information de France 2. Hier au fil des journaux d’info sur cette chaîne publique, ont parlé (mais je n’ai pas tout noté) le président « LR » de la région des Hauts de France, un syndicaliste « CFDT » etc… Il est de coutume et d’honnêteté d’indiquer qui parle dans les reportages et de mentionner la qualité des intervenants. Mais voilà que quand il s’agit, à propos de la commémoration de l’assassinat du père Hamel, des paroles d’intelligence, de paix et d’émotion prononcées par l’ex maire et nouvellement député de Saint-Etienne du Rouvray, Hubert Wulfranc, aucune mention de son appartenance au PCF n’est apparue. Je me suis dit que France2 avait oublié l’existence du « communisme » et du « PCF ». Et bien je me trompais. Car en fin de journal, un reportage sur le développement du tourisme en Albanie nous informait (fort à propos ?) que ce pays sortait d’une dictature « communiste ». Non, France 2, chaîne publique d’information dans la démocratie « LREM », n’oublie pas le communisme : elle le combat.

 

  28 juillet 2017.

Avec elle, l’amour c’est tout le temps. Il loge dans le rosier mal fleuri comme dans les tomates écarlates. Il grandit dans mes élans comme dans mes colères. Il chante dans nos disputes et nos caresses. Avec elle c’est à chaque fois : la même chose nouvelle, le mensonge sincère, l’insolite routine, l’originale banalité… Je me suis installé là, bien ancré dans ce déséquilibre où elle me sauve.

 

  29 juillet 2017.

Les premiers haricots du jardin ont atteint une taille critique : celle qui les expose à l’expertise de ma fourchette. Ils n’ont pourtant pas l’air de s’en faire plus que ça. 

 

  30 juillet 2017.

Aujourd’hui, une histoire (ça va venir, vous allez l’aimer, je le sens)

Toujours il  dormait couché sur le côté droit. Il pensait qu’ainsi son cœur, libéré de toute pression, battrait plus paisiblement. C’était un homme de grande fidélité. Avec son épouse il se mettait du côté gauche du lit, et dormait tourné vers elle. Avec ses maîtresses, il choisissait le côté droit du lit et juste après l’amour, il s’endormait en leur tournant le dos.

 

  31 juillet 2017.

On me dit que les poètes sont indispensables, que sans eux on ne saurait pas que la terre est bleue comme une orange et qu’il faut trembler pour grandir… Moi je crois que les poètes exagèrent. Mais quand ils nous disent à quoi rêvent les étoiles, ou pourquoi les gens qui ont faim ont aussi des idées sur l’amour, ou comment fabriquer une barricade avec des colliers de pluie, ou que demain la France, à nouveau, fera Commune… alors moi, je les crois.

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