« Chaque pas que je fais encore
Ouvre en moi une déchirure » Volker Braun
Frères et sœurs de tant de combats, je vous demande la permission de me retirer un moment, je n’assisterai plus à nos réunions (certain qu’elles n’y perdront rien). Et je dirai moins souvent « nous ».
Je ne déserte pas, je demande, pour moi une pause, juste une pause. Comme vous, je suis « une créature de réunions » mais il faut parfois savoir passer son chemin. Je confesse l’illogisme et l’égoïsme (quelques juges peut-être, diront « la lâcheté ») qui me font délaisser les terrains nécessaires, en espérant que ce ne soit que pour un temps.
Je me sens trop seul parmi vous, mes proches. Et seul contre tous ou en tout cas contre beaucoup, jamais je n’ai eu raison. C’est mal penser que dire « cette fois-ci peut-être », et pourtant… (Du coup, la modestie en souffre.)
Je dis donc pour être démenti :
J’ai dit souvent que nous avions un problème de démocratie. De conviction démocratique. De réflexe démocratique. De culture démocratique. Nous avons le grand tort de confiner la démocratie à la marge des enjeux de notre siècle et de notre lutte. Il ne s’agit pas que de nous, c’est dans l’air du temps parce que les puissants ne croient plus que la démocratie soit un bon moyen d’anesthésier le peuple. Et sur ce point, ils ont raison. Même « leur » démocratie, toute rabougrie qu’elle soit, met en péril leur autorité. Et, lorsque de ronds-points on a fait des forums, quand l’irruption populaire appelle et impose la grande marée de la délibération générale, quand l’ordre bousculé se débat pour tenter d’endiguer le flot, au lieu de jeter ce qu’il nous reste de forces dans la bataille pour submerger l’adversaire, nous commentons doctement. Ou nous parlons d’autre chose.
Des choses sérieuses comme… notre jeunesse à retrouver.
Nos proclamations ne servent à rien !
Nous proclamons un monde nouveau au lieu de changer le nôtre, et de cela nous allons périr. Sans doute même bien avant notre mort.