Mes pensées des jours de  janvier 2017

 Nouvelle année, nouvelles pensées ? Je ne sais pas si je me renouvelle ou si je continue de penser que... Un peu tout ça.

 

1er janvier 2017.

Protection rapprochée. L’hiver mérite son nom et incite au chagrin. Ne pas regarder dehors, peu de clarté à en attendre. Elle me dit ajoute une bûche pour le feu. Je lui dis la plus grande des flambées n’épuisera pas les froidures qui s’annoncent. Elle dit je te parle de nous, ici, ensemble. Je lui dis alors je ferme les volets.

 

  2 janvier 2017.

À longueur de temps. Elle me dit c’est l’heure. Je trouve que l’heure, la journée, le mois, l’année… c’est trop court. (Regarde, on est déjà le 2.) Il faudrait que l’heure ce soit plus tard, bien plus tard. Il faudrait laisser au temps le temps de s’étirer, d’assouplir ses articulations, de se chauffer les muscles. Ensuite, je pourrais prendre tout mon temps. J’en ai besoin pour trouver mes mots.

 

  3 janvier 2017.

Drôle d’ami. Le soleil se rappelle à nous en ce jour lumineux d’hiver. Mais il se couche tôt, le chanceux, qui jamais ne connait la noirceur de la nuit.  Quand le manteau lourd et obscur s’étend sur nous, le soleil vaque ailleurs. Il méprise nos cauchemars et nos chimères et se moquent de nos rêves. Le soleil est un compagnon idéal quand nous n’avons besoin de rien et nous méconnaît dès que nous sommes perdus, que la lumière nous manque. 

 

  4 janvier 2017.

Journée glacée. La mer est un visage d’enfant, aucun pli ne vient rider son front. Goélands et bernaches frileux glissent sur le miroir salé sans y inscrire leurs sillages coutumiers. L’océan, insouciant et repu, sourit au soleil qui s’agenouille. Elle me dit il est temps de rentrer. Je lui réponds ce soir, dans tes cheveux de sel, je goûterai la chaleur du plaisir.

 

  5 janvier 2017.

Là est la vie. Au théâtre de Vannes ce soir pour « La mouette » de Tchekhov dans une mise en scène un peu déjantée de l’Allemand Thomas Ostermeier. Le théâtre est parfois mieux encore la vie que la vie elle-même. « La mouette » est une pièce sur la souffrance d’aimer. C’est une pièce sur l’incompréhension entre générations et sur la douleur de vieillir. Et c’est une pièce sur la création, l’art, le théâtre et l’écriture. Et le décor de la pièce se dessine durant toute la représentation sous la brosse d’une artiste peintre. Un spectacle magique de la vie, de la douleur, de la vérité, de ce qui vaut la peine de vivre.

 

 

  6 janvier 2017.

Cette nuit j’ai fait un rêve. Malgré le sel et le courant, le Golfe du Morbihan avait gelé. Il se peut parfois qu’à marée basse, en cas de très grand froid, un peu de glace se forme sur le sable, à la lisière de l’eau. Mais gelé totalement, le Golfe comme une banquise, je pense que ça n’est jamais arrivé. Pourtant ce n’est pas le plus étrange de mon rêve. Le plus étrange, c’est que la banquise était verticale, et que muni de deux piolets et chaussé de crampons, je grimpais cette paroi verticale glacée vers l’Ile aux Moines. Presque parvenu à l’île, au moment même où je saluais mon exploit, (moi qui ai la nausée montées les premières marches d’un escabeau), un vertige atroce me prit. Déçu, je décidai de lâcher les piolets, et je tombai dans le vide… sans autre conséquence que de me réveiller.

 

  7 janvier 2017.

Aujourd’hui ma maman fête ses 94 ans. Elle entre dans sa quatre-vingt-quinzième année comme vous démarrez une journée de printemps : en se demandant ce qu’elle va bien pouvoir faire de beau, d’utile, d’élégant ces jours-ci. Et en général elle trouve. Il y a toujours quelque chose à faire : un spectacle à voir (théâtre, concert, film)… Un match de rugby à la télé… L’accompagnement d’un proche dans le besoin… Un petit tour à la piscine sur le chemin du retour… Une conférence scientifique… Une discussion politique ou une distribution de tract du PCF… L’organisation du réveillon dans sa résidence pour seniors… Sans compter les activités régulières (chant choral, gymnastique, tournois de scrabble…) Du coup, quand je téléphone le soir pour prendre de ses nouvelles, elle en a à me raconter (et elle le fait par le détail) ! Si vous voyez ce que je veux dire : vieillir, c’est très fatigant ! (Mais non, maman, ne te fâche pas, je plaisante !)

 

  8 janvier 2017.

Un compte à régler. Début mars, je remettrai mon voilier à l’eau. Je dois avoir une petite discussion en tête à tête avec une vague. Une vague courte et d’humeur rageuse que j’avais rencontrée entre Groix et Belle-Ile l’été dernier. Elle paraissait arrogante sur le moment, essayant de m’impressionner. Je veux lui signifier qu’elle devrait se montrer plus modeste, que l’humilité peut très bien se conjuguer avec son état d’humidité. Il faudra d’abord que je la trouve. Puis, avant de lui parler, j’attendrai qu’elle soit seule : je ne veux pas lui faire honte devant les autres vagues.

 

  9 janvier 2017.

Précipitamment. Ce soir je rentre tard : il me reste trente minutes pour que   jour ne soit pas celle du lendemain. Je l’ai trouvée endormie. Alors j’écris, vite, comme sans y penser, écriture automatique loin de mes mains sur le clavier, loin de mes yeux sur l’écran. J’écris penchée sur le lit qui m’appelle sans rien dire, sans que ça trouble son sommeil.

  10 janvier 2017.

Même pas peur. Comment choisit-on de regarder telle émission de télé ? Comment choisit-on d’aller voir tel ou tel film, telle ou telle pièce de théâtre ? Pourquoi choisit-on de faire ce voyage, de visiter ce pays plutôt que d’autres ? Comment décide-ton du métier pour lequel on va se former, de l’emploi qu’on va occuper (si on nous laisse le choix) ? Qui nous guide pour lire ce roman, ce recueil ? Et comment choisit-on de répondre à l’amour d’une femme ou d’un homme ? Pour tout il existe des guides, pour tout nous pouvons définir des critères. Mais au bout du compte, face à tous les choix, quels qu’ils soient, il y a une réponse commune : on choisit en prenant des risques. 

 

  11 janvier 2017.

Un instant, pas plus. Un moment, si tu désespères (et nous vivons des temps à cela propices), il restera la mer. Choisis-la bien pleine, et un jour où les vagues viennent hacher l’horizon. Tu y verras le sable, les galets, les rochers, comme leur conviction vient résister à tout. Et tu seras brisants auxquels s’accrochent les patelles, qu’importent tes fissures, méprise le  ressac. 

 

  12 janvier 2017.

L’armée du vent. Vers où, vers où se précipitent les nuages au-dessus de la maison qui tremble sous la tempête ? Il y a des ventrus, des maigrelets, des tondus et des échevelés. Tous se disent libres, rebelles et insoumis. Mais ils marchent d’un même pas et dans la même direction, avec une même certitude carrée, quel que soit le paysage de leur envol et celui de leur atterrissage.

 

  13 janvier 2017.

Pas vraiment convaincu. Je dis j’arrête d’écrire chaque jour. Je sens que mes billets s’habillent de lassitude et d’usure. Elle dit non, continue, mais quand tu penses, c’est par énigme, comme si le monde avait tes yeux pour lire par-dessus ton épaule.

 

  14 janvier 2017.

La politique me rattrape. Est-ce la réponse aux souffrances populaires ? Est-ce une issue à la disgrâce du pays ? Etre le manche gauche d’un casse-noix dont Macron serait le manche droit et presser ensemble pour écraser la noix socialiste ? Personnellement ce n’est pas mon ambition : pendant qu’on fait de l’huile, les capitalistes font leur beurre.

 

 

  15 janvier 2017.

68. J’ai atteint pas plus tard qu’hier un âge où il faut commencer à prendre ses dispositions. L’idée que des asticots puissent grignoter mon cerveau, et par là connaitre mes pensées les plus intimes (et peut-être finir par vous les révéler) me met mal à l’aise. J’hésite donc entre l’incinération et ne pas mourir du tout. Je vais y réfléchir. Si on m’en laisse le temps.

 

  16 janvier 2017.

Mauvais pressentiment. Je fais le pari que d’ici la fin de cette année qui commence à peine, j’aurai eu plus de dix occasions de me féliciter de ne plus être un  jeune avec la vie devant soi. Dix fois au moins. Et ça me rend fou de colère, de honte, de remords, de tristesse.

 

  17 janvier 2017.

Télescopage. Au journal télé d’aujourd’hui. Selon une étude d’Oxfam, 8 multimilliardaires possèdent un patrimoine équivalent à celui de 3,6 milliards d’êtres humains (la moitié de l’humanité). En France, les 21 personnes au plus fort patrimoine possèdent l’équivalent du patrimoine des 40% de Français les plus pauvres. Et nous ne pouvons offrir aux sans domicile fixe qu’un lit de camp dans un dortoir et un bol de soupe, et seulement les nuits où le thermomètre descend au-dessous de moins 5 degrés ! Qui va expliquer ça à nos enfants ? Qui peut être heureux sachant ça ? Quelle société peut survivre à une telle fracture ?

 

  18 janvier 2017.

Soulagement. Ce soir, j’ai bien failli devenir un spécialiste de la musique bretonne, ou celte, ou que sais-je encore. Il s’en est fallu d’un cheveu. Mais finalement, ça ne s’est pas fait.

 

  19 janvier 2017.

Inquiétude. Ce type, là, ce type inquiétant… Ce type bizarre qui attend contre le mur, dans le froid… Qui dévisage les passants, des passants qui accélèrent quand ils le voient, je l’ai constaté… Que fait-il dans le froid, là, à attendre devant le mur, à attendre et à dévisager celles et ceux qui passent… Celles surtout… Qu’attend-il ? Quel mauvais coup prépare-t-il ? C’est qui, d’abord, ce type ? 

Ce type, c’est moi, je suis en avance pour la réunion, pas bien sûr de l’heure à laquelle elle est convoqué, et avec un doute sérieux sur le lieu… Et j’attends… il viendra bien quelqu’un…

 

  20 janvier 2017.

La dimension des rêves. Je parviens à comprendre les préjugés, les à priori, les arguties répétées à satiété qui deviennent des vérités premières. Au fond, tout cela est excusable. Ce qui n’est pas excusable, c’est de perdre de vue l’horizon, de rendre les grandes causes à ce point minuscules qu’elles en deviennent méprisables. C’est l’intégrité de tes engagements qui fait de tes combats quotidiens de véritables épopées.

 

  21 janvier 2017.

Anticipation. Dans le Golfe du Morbihan, le long du littoral, l’eau a gelé et sur la grève se fige une marche d’écume. C’est rare que les températures, ici où nous bénéficions d’un microclimat indulgent, chutent à ce point. Blanc sur blanc les reliefs s’estompent et se dressent d’invisibles falaises où les oiseaux désemparés viennent s’écraser. Tout cela n’annonce sûrement rien de bon.

 

  22 janvier 2017.

Silence. Ce soir je me dis… Non, non, ne dis rien… Je me dis que la gauche n’est pas morte. Ni Hollande ni Valls n’ont réussi à la tuer… Mais tais-toi donc… Je me dis que près de 2 millions de votants dans ces conditions, ce n’est quand même pas trop mal… Mais tu vas la boucler enfin ?... Je me dis même que… Maintenant ça suffit, tu vas trop loin !... Enfin juste je me disais que si Mélenchon avait participé à cette élection primaire, ce soir, il serait peut-être, avec son programme, le candidat de toute la gauche… Bon maintenant, tu te tais… Et peut-être que ce n’est pas fini, on a battu Valls Hollande, on peut imaginer battre Fillon-Le Pen… Enfin moi, je dis ça, je ne dis rien…

 

  23 janvier 2017.

Avec toute cette politique, j’ai oublié de dire l’essentiel. Hier dimanche à Vannes, j’ai passé l’après-midi avec quatre musiciennes magnifiques (et allemandes) qui m’ont en musique raconté l’histoire d’une plongée en eau profonde en compagnie de méduses lumineuses et amoureuses. Nous avons rencontré là un requin menaçant et aussi, je crois, un rhinocéros un peu perdu et un tamanoir bien dans ses baskets. Enfin, moi, c’est ce que j’en ai compris. Et c’était magique. (Ces musiciennes s’appellent « Salut Salon » et on les trouve sur Internet, si vous courrez vite).

 

  24 janvier 2017.

Les 4 vérités de ce matin. 1) Les bonnes nouvelles sont toujours mauvaises, la clé des victoires est dans le désespoir, il vaut mieux de belles défaites que de bonnes avancées. 2) Du pire naitra le meilleur, il n’y a rien de mieux que de crier seul du moment que le chant(eur) est beau. 3) Ecoutez-moi bien,  les gens, puisque seule ma parole compte. 4) Tuez l’espoir dès qu’il nait,  vous n’avez rien à attendre que de moi, les autres, ce sont des clowns. 

 

  25 janvier 2017.

Grand train. Je sais seulement que l’homme monté en première classe dans le train parti de Vannes le 24 janvier à 12h49, est bien arrivé à Paris Montparnasse comme prévu à 16h11. Il était attendu sur le quai numéro 4 par une très jolie femme portant ostensiblement une tablette numérique sur laquelle on pouvait lire en gros caractères : « Jacques F... ». Quand l’homme s’est présenté à elle, elle lui a sauté au cou et leurs lèvres se sont unies dans un très profond baiser. Je n’ai évidemment pas osé les questionner, bien que je brûle de savoir par quel site Internet miraculeux s’est organisée cette rencontre.

 

  26 janvier 2017.

Plutôt que les chemins bornés. Janvier s’étire dans le froid et la pollution. On attend, on espère de février d’autres rivages. Et au printemps, regarder vers le large, profiter des vives eaux pour chevaucher l’horizon. Même si c’est pour se perdre.

 

  27 janvier 2017.

Histoire d’histoire. D’habitude, j’ai plutôt tendance à penser qu’il faut laisser beaucoup de temps au temps pour raconter l’histoire d’une période politique donnée. Pour celle que nous vivons là, je pense qu’assez vite, (et même avant qu’elle ne s’achève vraiment) il faudra commencer à l’écrire. Paradoxalement  je pense ça parce que la fin de cette histoire n’est pas dite encore, et que le pire serait de commenter ou de regarder le spectacle. Là nous devons agir, prendre des initiatives.

 

  28  janvier 2017

En toute simplicité. Et voilà que dans le train, à peine arrivés à Vannes, elle me dit il se met à pleuvoir. Je lui réponds c’est beau d’être accueillis ainsi par des larmes de bonheur. Elle me dit voilà, avec tes bêtises, la pluie s’est arrêtée. Je dis c’est vrai mais regarde cet entrée triomphale, saluée par un arc-en-ciel. Elle ne dit rien et hausse les épaules. Je reconnais que mes remarques sont parfois agaçantes, mais quand on me fait un triomphe, j’aime que ce soit souligné.

 

  29 janvier 2017.

Je pense, et ce n’est pas une surprise pour moi, que le résultat de la primaire PS est en train de rebattre les cartes de la présidentielle.  J’étais certain et je l’ai dit de longue date « qu’il allait se passer plein de choses ». Je vois les choses ainsi ce soir : ce résultat fait naître un espoir dans la gauche sincère et les électeurs de gauche (socialistes, communistes, Front de gauche, écologistes…) sont dans l’ensemble sincèrement à gauche. Cet espoir, il peut être tué dans l’œuf par Hamon, Mélenchon, Laurent, Jadot, l’un d’entre eux, plusieurs d’entre eux ou tous. Ou bien il peut être nourri par les mêmes. Mais ce sera ensemble. Je souhaite qu’on ne participe en aucun cas à tuer l’espoir, mais qu’on prenne des initiatives pour le nourrir. Et d’abord, organisons des rencontres, en haut, en bas, partout, pour discuter de quoi ? Pas de candidatures mais de projet, de contenu, de mesures à prendre pour changer les choses. Qu’est-ce qui nous rassemble ? Qu’est-ce qui nous sépare ? Qu’est-ce qu’on peut surmonter ? Est-ce qu’ensemble une majorité est possible ? Pourquoi pas à la présidentielle et comment ? En tout cas aux législatives et comment ? Si on fait ça tranquillement, on répondra aux attentes, aux espoirs et la dynamique ne sera ni du côté de Le Pen, ni du côté de Fillon, ni du côté de Macron. On a tous voulu aller trop vite chacun de son côté. Il n’est pas trop tard pour bien faire ensemble.

 

  30 janvier 2017.

Rassembler. Il y avait trop de pluie sur les branchages épars du chemin côtier. Et j’avais trop à écrire aujourd’hui. Je me suis promené bien au chaud, chez moi, devant l’ordinateur, à rechercher par la pensée des sentiers de traverses, des voies inaccoutumées. Certaines (je m’en suis rendu compte assez vite) ne conduisaient nulle part. Il n’était jamais trop tard pour un demi-tour et de nouvelles découvertes. Autour de moi, on ne faisait preuve d’aucune impatience, on me savait gré de mes tentatives.

 

  31 janvier 2017.

Injustice. Je me demande bien pourquoi cette pauvre Pénélope est aussi maltraitée, dénigrée, calomniée, tourmentée, malmenée, persécutée… Alors que finalement… Elle n’a rien fait !

 

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