Pourquoi ? Et surtout pour faire quoi ?

Des ami(e)s demandent que « sans plus attendre, le PCF sorte du processus des primaires ». Je leur demande : «pourquoi ? » Et surtout : « pour faire quoi ? ».

 

« Pourquoi ? » Là je comprends assez bien les choses : hors de question « d'avoir à voter en 2017  pour un candidat socialiste », « pour Hollande », de refaire « l'union de la gauche ». « Parce qu'à quelques nuances près, le choix des socialistes, c'est le social libéralisme». Tels sont leurs arguments invoqués.

 

Je vois moins clairement les réponses à la question « pour faire quoi ? » Certains sont nets : « JLM 2017 ! ». C'est le candidat naturel de notre camp.  Pour d'autres, c'est un peu plus alambiqué. Soit la question est évitée ce qui permet de laisser la réponse en suspens. Soit il s'agirait de rendre « collective » la candidature solo de Jean-Luc Mélenchon. Comme si lui-même ne demandait que ça ? Comme s'il n'avait pas expliqué que sa candidature était « personnelle », hors Front de gauche, hors partis (y compris le sien), hors paysage gauche-droite ? Il y a un choix de J.L. Mélenchon, que je ne partage pas mais que je respecte, et auquel j'espère qu'il renoncera. Pas forcément pour renoncer à être candidat pour bien préciser ce que je pense.

 

Disant cela, je ne veux pas caricaturer la position de mes ami(e)s qui demandent la sortie du processus des primaires. Ils le demandent, je me questionne sur leur demande. Ils disent d'autres choses aussi, parlons-en. Mais alors, il faut qu'ils acceptent d'entendre que la décision du Conseil national du PCF ne se résume pas non plus à « la participation au processus des primaires ».

 

Parlons du fond, parlons de ce que chacun dit et veut, et puisque c'est l'objet de la demande, parlons d'abord des élections de 2017.

 

Chacun connaît les risques, mais je ne pense pas que tous, nous mesurions les risques de la même façon. Et notamment celui d'un deuxième tour entre le vainqueur des primaires à droite et Marine Le Pen. J’affirme  que le risque est considérable et totalement inédit. On me répond que ça s'est déjà produit en 2002. C'est vrai. Mais en 2001, personne n'aurait parié sur ce qui s'est produit en 2002. Aujourd'hui, en 2016, et c'est vrai depuis des mois, personne ne parierait sur l'absence de Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. La situation est donc radicalement différente de 2002.

 

C'est différent d'abord pour les électrices et les électeurs. Car tous, l'histoire des élections présidentielles le montre, vont se déterminer principalement par rapport à cette question. On pourrait rappeler ce qui s'est passé en 2012. La question principale qui, chez nos électeurs potentiels, a dominé les 2 tours de la présidentielle, était : « comment se débarrasser de Sarkozy ? ». Personne ne doutait d'un deuxième tour droite-gauche. Cela a considérablement libéré l'espace pour notre candidat J.L. Mélenchon. Mais quand sa belle (et notre belle) campagne a laissé apparaître qu'il pouvait passer devant Hollande, quand notre candidat et nous-mêmes, avons laissé penser que notre objectif était de passer devant Hollande, les sondages nous ont fait reculer et les bons résultats ont été un peu en dessous de nos espoirs.  Tout simplement parce que des électeurs se sont dit que si J.L. Mélenchon était présent au deuxième tour, on en reprendrait 5 ans de plus avec Sarkozy.

 

Si rien ne bouge d'ici là, les électrices et les électeurs susceptibles de voter pour notre candidate ou candidat auront deux questions en tête au printemps 2017. Comment éviter une victoire possible de Marine Le Pen et comment éviter un effacement total de la gauche. Encore une fois, si rien ne bouge, l'espace pour un candidat ou une candidate de notre camp sera rendu extrêmement étroit. C'est un match à 3 qui est annoncé pour le premier tour entre le FN, la droite, et une candidature du clan Hollande ou de la direction du PS. C'est à dire que la gauche ne sera pas représentée. Et ce sera un duel droite-FN au second tour car Hollande ou le candidat de son camp ne peut prétendre rassembler la gauche, il sera battu.

 

Or il y a une deuxième raison qui fait que le risque est considérable. 2017 sera la défaite de la gauche, une défaite annoncée mais que nous n'aurons pas su éviter. Et pas à n'importe quel moment. Après dix ans de droite et 5 ans de Hollande, les conquis sociaux et démocratiques sont mis en cause, le modèle social et républicain est plus qu'ébranlé. La défaite qui s'annonce fera subir aux droits de notre peuple un recul considérable. Avec moins de forces, notre peuple, notre pays auront à faire face à des appétits prédateurs décuplés.

 

Nous communistes, nous pouvons mesurer tout cela. Si nous ne faisons rien, si nous ne prenons pas d'initiative politique à la hauteur pour conjurer ce risque immense ou tenter de le faire, alors, oui, nous serons responsables de ce qui arrivera.

 

« Vous saviez, vous n'avez rien fait ? » Est-ce à cette question que nous voulons répondre à l'été 2017 ? Évidemment non !

 

Alors quoi faire ? Tenter de rebattre les cartes, tenter de faire bouger les lignes d'ici le printemps 2017. C'est notre seul atout. Et qu'est-ce qui nous permet de dire que c'est possible ?

 

Il s'est passé, il se passe dans la société des mouvements divers mais qui peuvent converger. Un mouvement social et populaire émerge. Ça a commencé avec la solidarité aux réfugiés, avec un mouvement d'opinion sur la déchéance de nationalité et la prolongation de l'état d'urgence, ça s'amplifie nettement avec le mouvement sur la loi Travail. Mouvement social ? Oui mais pas seulement. J'entends ce que disent des jeunes sur les réseaux sociaux. En gros c'est : « la loi El Khomeri, on va la faire reculer. Mais on veut plus, on veut que ça change ! » Et ils témoignent et font témoigner les jeunes sur le travail, la vie... C'est un mouvement de refus de la précarité profondément politique.

 

Dans un autre registre, il y a eu en début d’année les appels à des « primaires de gauche ». Venu du camp plutôt socialiste ou ex socialiste, ils disent que le candidat naturel de la gauche n'est pas François Hollande. Que Hollande va faire perdre la gauche. Et avec plus ou moins de convictions, ils appellent au débat : qu'est-ce qu'une politique de gauche ?

 

Confrontés à tout cela, qu'avons-nous décidé au PCF ?

 

- Notre campagne d'idées et d'actions « zéro chômeur », pour accompagner, nourrir, contribuer à faire grandir et gagner le mouvement social et jeune contre la loi Travail.

 

- Créer les conditions de primaires à gauche qui concernent les millions de personnes qui s'opposent à la destruction des droits du travail, à ceux qui ne veulent pas voir sombrer le pays avec la réforme liberticide de la constitution, à ceux qui pensent que Hollande a trahi, à ceux qui veulent que la gauche continue de mériter son nom. Et ceux-là sont les plus nombreux et commencent à se réveiller. Ils choisiraient Hollande ou Valls ?

 

- Et lancer le débat sur la politique de gauche à très grande échelle avec notre consultation nationale à 500 000 rencontres. Ce débat politique va nous confronter à nos limites, aux reculs idéologiques de la société, va nous confronter à ceux qui n'adhèrent pas à notre projet et nos convictions, mais il ne servirait à rien de l'éviter. Avec cette consultation, nous voulons commencer à changer profondément le rapport à la politique.

 

Ce que nous avons décidé, c'est en réalité une grande initiative politique : faire converger tout cela en appelant, dans la lignée du Front de gauche, à un front populaire et citoyen, politique et social avec l'objectif de rompre avec les décennies de politiques d'austérité et de faire repartir le pays dans le bon sens. Ce qui peut changer la donne, et bousculer le scénario de 2017, c'est cette conjonction sociale et politique, véritable réveil du mouvement populaire. (N'est-ce pas notre stratégie politique de longue date ?)

 

Est-ce qu'il faut renoncer à cela ? Pour faire quoi ? Un pas trop mauvais résultat pour Mélenchon en 2017 ? Et après ?

 

Qu'est-ce qui a changé, dans le paysage politique, qui nous conduirait à renoncer à ce que le conseil national du PCF, avec l'accord de 80% de ses membres, a décidé début mars ? Voilà ce que je ressens :

 

Du côté mouvement social, c'est plutôt bon.

 

Du côté de la primaire, le PS cherche à la rendre impossible en s'arc-boutant sur un agenda et des méthodes qui ne conviennent qu'à Hollande. Donc il faut se battre et sans doute (je le propose en tout cas) monter le ton.

 

Notre campagne se lance sur le travail et il faut maintenant démarrer la grande consultation. Là nous pourrons mesurer vraiment ce qui est possible ou pas.

 

Sur quoi cela va déboucher ? Il faut que les lignes bougent d'ici le printemps 2017. Pas après mais avant l'échéance. Est-ce qu'on peut savoir jusqu'où ? Moi, personnellement, non. Mais je sais ce qui va se passer si on ne tente rien, si on se dit qu'on va seulement essayer de s'en sortir, nous, sans trop de dégâts, pour assurer la pérennité du Front de gauche. Et je sais qu'avec raison, on nous en demandera des comptes. 

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