Mes pensées des jours de janvier

Pensées du jour

Bonne résolution d'un jour de l'an, j'avais décidé de livrer à mes amis de Facebook une pensée par jour. Et j'ai tenu le coup. Alors je les livre telles qu'elles ont cheminé cahin-caha  au gré des jours, des humeurs et des nuits.

 

1er janvier

"Mauvais présage. Ce matin d'après réveillon, l'aiguille de mon pèse-personne suit la tendance générale de la société: elle penche un peu à droite."

 

2 janvier

"Comme le temps passe. Deuxième jour de janvier, déjà mes bonnes résolutions s'envolent."

 

3 janvier.

Mauvais feuilleton. Neige? Pas de neige? Tous les jours, le JT parle des sports d’hiver. Mais huit Français sur dix n'y vont jamais. Huit Français sur dix savent que le JT n’est pas pour eux.

 

 4 janvier.

Télé-Travail. Reportage au JT de France2 intéressant (comme toujours quand on parle -si rarement- du travail) : comment on se dit bonjour le matin dans l'entreprise. On se serre la main, un check, une bise... C'est vrai que l'entreprise n'est pas tant le monde merveilleux qu'on nous dit. Mais qu'en est-il des privés d'emploi, privés de bonjours quotidiens, privés de poignées de main, privés de checks, privés de bises... 

 

 5 janvier.

(Tristes) figures géométriques. Je savais que Juppé était de droite. Mais j'en ai maintenant la preuve: il est de droite puisqu'il emprunte une partie de son programme à Hollande. Ça s'appelle la "triangulation". Je triangule, tu triangules, et à la fin, tu ne sais plus qui est qui, quoi appartient à qui, et on tourne en rond ! Ce qui prouve que les cercles ont bien trois côtés.

 

 6 janvier.

Reconnaissance. Dehors la tempête s'est calmée. La lune à son dernier croissant a mis un peu d'or sur notre lit. Et ce que tu m'as fait cette nuit, tu l'as fait très gentiment.

 

 7 janvier.

Bonne nouvelle (peut-être). Déchu de son identité de gauche, François Hollande n'en a pas pour autant renoncé à son exercice favori : la triangulation. Mais déporté à droite, il va devoir trianguler à gauche. La prochaine bonne idée de François Hollande, il va la piquer à Pierre Laurent. Ou peut-être pas.

 

 8 janvier.

Liberté paresseuse. Aujourd'hui, je fais la grève de la pensée. D'abord pour honorer la grève, une liberté première. Ensuite je ne vois pas pourquoi je devrais penser tous les jours. Même si ce n'est qu'une fois par jour. Et je n'ai pas envie de faire semblant...

 

 9 janvier.

2017, c'est (mal) parti. « Écoutez-moi, regardez comme j'ai raison ! Je me donne à vous, je ne me déroberai pas. Je sais où est mon devoir. Je connais vos attentes. Je suis celui qui... je suis celle qui... »

 

 10 janvier.

Agilité sémantique. Un travail « précaire », ça ne passait pas. Le travail « flexible » on avait vite compris. Introduire de la « souplesse » dans le contrat de travail, « on n’est pas si bête, on la connaît la recette », comme le chante Cabrel. Et voilà que le grand patronat nous propose le contrat de travail « agile ». Devant cette agilité, on reste bouche bée !

 

 11 janvier

2017 c'est (peut-être pas si mal) parti. Un grand débat citoyen de contenu pour une politique, un projet de gauche. On se met d'accord. Des primaires pour désigner une candidate ou un candidat commun pour cette politique en 2017. On ne peut pas fermer la porte à cet espoir. Et le meilleur moyen de ne pas fermer une porte, c'est de l'ouvrir en grand.

 

 12 janvier

Facebook, ça énerve. Ici s'écrit parfois n'importe quoi (j'y participe). J'enrage en lisant qu'on fustige un camarade. « Syndicaliste, il devient directeur d'hôpital puis est élu vice-président de Région ». Pensez s'il est suspect ! De tels sentiments aigres et rabougris m'exaspèrent. Je veux des syndicalistes directeurs d'entreprises, je veux des travailleurs poètes, des ouvriers ministres et une beurette de la cité des 4000 comme présidente de la République ! Une belle et grande et fière classe ouvrière, c'est ça la révolution ! Des peuples enfin maîtres du monde, c'est ça le communisme !

 

 13 janvier

Le « Penser-Valls ». On est un peu désarçonné. On a du mal à tout comprendre. Il faudrait publier un recueil très pédagogique qui expliquerait le mode de penser de Manuel Valls. Ça pourrait s'appeler « le Penser-Valls pour les nuls ». Ou quelque chose comme ça. Par exemple on y trouverait :

« On ne va quand même pas attendre l'élection de Marine Le Pen pour mettre les syndicalistes en prison ».

 

 14 janvier

Tiens, c'est mon anniversaire. A l'âge que j'ai, il faudrait peut-être que je songe à faire ce que je dois faire. Et le faire vite parce que le temps s’égrène, et ça coule et ça coule. Comme de l'eau entre les doigts, difficile de rien retenir. Mais je ne sais pas si je vis à l'envers ou à l'endroit, il m'arrive une chose étrange. Plus j'avance en âge, et moins je fais ce que j'ai à faire pour consacrer toute mon énergie à faire ce que je n'ai pas à faire. Là, je ne sais pas si vous suivez bien...

 

 15 janvier.

Hollande bashing. Ceux qui voient un lien entre la constitutionnalisation de l’État d'urgence, la condamnation des syndicalistes de Goodyear et les mesures de casse du Code du Travail qui seront annoncées par le gouvernement la semaine prochaine font preuve d'un bien mauvais esprit.

 

 16 janvier.

Il n'est jamais trop tard. J'avais complètement oublié qu'il me fallait une pensée par jour et qu'aujourd'hui, je n'avais pas encore pensé. Il est 23 heures et il me reste une heure pour y penser.

 

 17 janvier.

Valls était hier chez Ruquier. Je ne sais pas si vous êtes comme moi. On est amis sur Facebook mais pour certains, on ne se connaît pas bien. Peut-être a-t-on les mêmes réactions. Ou peut-être pas. Enfin bref... Tout ça pour vous dire que selon moi, il y a chez Manuel Valls, quelque chose d'étonnant, de surprenant... Un je ne sais quoi d'indéfinissable... Vous savez, c'est comme quand on mange quelque chose, on ne sait pas très bien ce que c'est, mais ça laisse un goût... Vous voyez ce que je veux dire ? Là, derrière... Difficile à expliquer... Pas facile non plus à digérer.

 

 18 janvier.

Plainte illégitime. Admettons (par pure hypothèse) que l'horizon soit un peu bouché. Admettons. Et puis, pour se parer à gauche, on construit un mur à gauche. Et pour se parer à droite, on construit un mur à droite. Est-ce qu'alors, on pourra légitimement se plaindre d'être dans une impasse? (Je me demande pourquoi je pense à ça.)

 

 19 janvier

Haiku ménager. Aujourd'hui ma pensée s'est faite quelque peu japonaise. Elle me vient sous la forme d'un haïku, petit poème de forme rigoureusement stricte venu du Japon : trois vers de 5, 7 puis 5 pieds, interdiction de décrire, on ne doit que suggérer ses sentiments ou son état d’esprit. Le mien dit :

« Posée sur mon bras

La mouche astique ses ailes

Mettre le couvert »

 

 20 janvier. 

Patronal chagrin. C'est Macron qui l'affirme, «la vie d'un entrepreneur est bien plus dure que celle d'un salarié». Il faut lui rendre justice, c'est sans doute vrai. Un salarié licencié, une salariée licenciée, ça ne risque que ses revenus, son couple, sa famille, son toit, sa santé, sa vie... Rien de plus. Tandis qu'un entrepreneur qui licencie, ça risque de lui faire de la peine. Et ça, c'est insupportable !

 

 21 janvier

Invention salutaire. Il n'y avait pas assez de sottises, de sornettes, de balivernes, de niaiseries… Pas assez de motifs de colère, de rancœur, d'animosité, d'amertume... Le monde devait être trop calme, trop lisse, trop poli… L'intelligence, la pertinence, l’authenticité, la culture régnaient bien trop en maîtres de nos esprits… Alors ils ont inventé Facebook.

 

 22 janvier

Éternels regrets. Il ne regrette pas seulement la soirée au Fouquet's (les langoustines rôties n'étaient pas au top ce soir là), le séjour sur le yacht de Bolloré, « le casse toi pauvre con ! », et sa brutalité générale. Mais il regrette surtout de ne pas être revenu sur les 35 heures, de ne pas avoir supprimé l'ISF, de ne pas avoir carrément supprimé la taxe professionnelle ou pérennisé la TVA sociale… Moi, je ne regrette pas de ne pas devoir acheter son livre, de ne pas avoir à le lire (plutôt lire « La Princesse de Clèves » !). Surtout je regrette la présidence de Sarkozy, je regrette même Sarkozy tout court. Mais là, je n'y suis pour rien.

 

Ma pensée du 23 janvier.

Brumes amères. Mauvaise journée, loin de ma douce. Brouillard, flemme et poésie de Walt Whitman.

"Quant à toi, la Mort, toi la mortalité aux bras amers, tu perds ton temps à essayer de me faire peur."

 

 24 janvier

Pensée-acte. Le JDD ce matin publie l'appel « primaire de gauche allons-y ! » dont je suis un des 500 signataires. Femmes et hommes de diamant brut, vous que je sais vouloir , comme le dit Philippe Torreton, « rester de gauche, vraiment, réellement de gauche à en mourir, de gauche à en tenir bon sous la mitraille », relevons le défi du débat citoyen de contenu, cherchons et trouvons les arêtes communes de nos innombrables cristaux. Partageons, partagez cet appel, allons-y ! Je veux vivre mes rêves, je veux vivre mes contes.

 

 25 janvier

Je n'ai pas besoin d'une bonne douche. Je n'ai pas besoin qu'on nettoie l'espoir chaque fois qu'il point en moi. Surtout s'il est mince, tenu, et tellement improbable. Je me trouve bien dans mes ardeurs, mes élans, je les choisis avec parcimonie, je crois être plutôt raisonnable en enthousiasmes. Mais c'est vrai que rien ne m'agace plus que l'attentisme et l'immobilité. Alors plutôt qu'une douche froide, donnez-moi des arguments, et surtout, proposez moi des alternatives. Si on ne fait pas ça, d'accord, mais on fait quoi ?

 

 26 janvier

Résistance égotique. J'ai voulu savoir. J'ai demandé à ma douce de m'attacher sur le lit, hors de portée de l'ordinateur, comme Ulysse à son mat résistant au chant des sirènes. 22 heures, 23 heures, minuit ! Un jour sans publier de pensée du jour, et... La voûte céleste ne s'est pas fendue ! La terre n'a pas tremblée ! Même Facebook a continué l'égrenage sans fin (ni queue, ni tête) de ses notifications amicales (ou pas). Au fond, que je pense ou pas, que je partage ou pas mes pensées quotidiennes, ne rend le monde ni plus laid ni plus triste ni plus heureux. Devant une telle indifférence, mon ego en a pris un coup !

 

 27 janvier

Merveilles du monde laïc. Une pensée compatissante avec le président Iranien Hassan Rohani. Moi, ce matin, sur l'oreiller, tout près, si près de ma bouche, j'ai eu droit à deux levers de soleil.

 

 28 janvier

Je laisse à d'autres. Pas le temps, pas le goût. Ou plutôt, c'est que je croise parfois des pensées qui dépassent de si loin les miennes qu'il serait cruel de vous infliger mes propres songes. Je laisse la place à Jack Hirshman.

" Comme ils veulent tous que nous

soyons petits, nous qui d'abord,

n'avons jamais été des géants,

plus petits que petits, menu fretin

plus menu que menu - écrabouillés, 

bien que notre langue connaisse

la profondeur de l'espérance et des pleurs emplis d'étoiles."

 

 29 janvier

Navigation à l'estime. Tout est tellement prévisible, la voie est tellement tracée d'ornières profondes. Nous savons comme sont inhospitaliers les marécages où elle mène. Nous éprouvons que les suivre est courir à notre perte. Nous n'ignorons pas qu'au bout de ces chemins, les vautours ont arpenté leur domaine. Alors la poésie de René Char nous sert de recette : « Mettre en route l'intelligence sans le secours des cartes d'état-major ».

 

Ma pensée du 30 janvier

Anorexie politique. Ce soir à Vannes, maigre rassemblement devant la préfecture, contre la prolongation de l'état d'urgence. Quand on est peu, ainsi, il faut penser combien ce peu est précieux. C'est comme une petite braise qui ne demande qu'à se faire brasier si on lui souffle l'oxygène et la nourrit, ou à s'éteindre définitivement si on la couvre de cendre. Nous n'étions sans doute pas assez maigres, pas assez petits, un des orateurs s'est trouvé de bonnes raisons pour dénigrer quelques-uns des présents. Il y a des gens qui, décidément, aiment les cendres. 

 

31 janvier.

Tendresse paradoxale. La vie est pleine de paradoxe. Ainsi mes pensées du jour, souvent me viennent la nuit. Il faudrait alors que je me lève et que j'écrive pour m'en débarrasser. Mais il y a la couette, et les bras de ma douce qui m'entourent de tendresse. (On ne quitte pas impunément une telle chaleur.) Alors j'écris dans ma tête, et ça tourne et ça tourne, et le petit matin me cueille de mauvaise mine.

 

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