Mes pensées de septembre 2017

  1er septembre 2017.

Assez de poésie, je me lance dans le théâtre ! La scène met en jeu deux personnages : Nous et EM. Nous joue dans la pénombre, on ne fait que le deviner. EM capte toute la lumière.

Nous _ Libérez…

EM _ Chut ! On va vous entendre.

Nous _ C’est pour ça qu’on crie ! Libérez…

EM_ Moins fort ! Évitons les vagues…

Nous _ Mais c’est une prise d’otage !

EM _ C’est un bien grand mot. C’est un pays démocratique, ce n’est pas la Corée du Nord, ce n’est pas le Venezuela…

Nous _ Arrêté sans motif, condamné sans procès, retenu sans jugement…

EM _ Mais ce n’est pas la Corée du Nord, ce n’est pas le Venezuela, c’est un pays démocratique…

Nous _ Cet otage est Français…

EM _ et un peu Palestinien quand même

Nous _ Libérez Salah Hamouri !

EM _ Ça ne vous coûterait rien de dire « s’il vous plait ».

 

  2 septembre 2017.

Souvenir. Au bord du lac de Saint-Cassien il y a très longtemps, j’ai rencontré une belle femme brune. Elle était allongée sur le sable un peu à l’écart de ses amis, et elle lisait un livre. J’étais seul et je me suis allongé non loin d’elle.  J’avais à la main « Les baies sauvages de Sibérie » d’Evtouchenko. Le soleil tapait dur, c’était un dimanche de juillet. Les roseaux immobiles nous cachaient du reste du monde. Elle s’est levée, a ôté son maillot et nue, s’est mise à l’eau. Elle m’a fait signe de la rejoindre et, nu aussi, je l’ai fait. Elle m’a dit, avec son accent brésilien, apprends-moi à nager. Je n’étais pas un très bon moniteur de natation mais elle ne m’en a pas voulu. Et elle m’a très gentiment remercié de mes efforts.

 

  3 septembre 2017.

Je me demande si je dois le dire à haute voix. Peut-être est-il préférable de le garder pour moi. Ou ne le glisser en confidence qu’à des amis triés sur le volet. Et encore… Enfin je vous le dit uniquement à la condition que vous le gardiez pour vous. Je crois qu’il faudra mieux qu’une bonne teinture pour chasser nos idées grises.

 

  4 septembre 2017.

Escale au port d'Arzal, sur La Vilaine. Demain La Roche Bernard, navigation en rivière. J'avais tellement envie de devenir un marin d'eau douce ! 

 

  5 septembre 2017.

Si je pense aussi vite que l'internet sur le bateau, ma pensée du 5 septembre 2017 sera écrite en 2023 et vous en aurez la primeur le 18 juin 2056. Et peut être que vous penserez à moi qui sera mort. Peut-être. 

 

  6 septembre 2017.

Je suis en colère mais je ne sais pas après qui. J’ai dû laisser le bateau à La Roche Bernard. Je devais rentrer avec lui vendredi ou samedi mais un coup de vent d’Ouest est annoncé. Des vents à 60 km heure et des rafales à 70 km/h. J’aurais dû me battre contre ça et contre une houle d’ouest établie avec des creux de 2m à 2,5m. Ce sont les prévisions. Je suis certain que mon bateau ArTiYote est plus fort que ça et on aurait gagné. Mais dans un inconfort, une fatigue et un stress total. Alors on a pris la bonne décision et j’irai rechercher le bateau après la Fête de l’Huma. Mais je n’aime pas le laisser et je n’aime pas perdre contre les éléments. Je compose, à contre cœur je compose : c’est bonne politique.

 

  7 septembre 2017.

Parfois, la poésie a du mal à se frayer un chemin vers le grand jour. (Je cherche un exemple pour étayer la vérité que je viens d’énoncer et j’en trouve plein.) 

 

  8 septembre 2017.

Il a plu toute la journée. Le ciel, méprisant, rampait sur la pelouse et y déposait son crachin. Comment dans ces circonstances, écrire un poème qui tienne debout ?

 

  9 septembre 2017.

Cette année ne fut pas une bonne année pour les roses qui souffrirent de la sécheresse au printemps et une partie de l’été. Puis, pluie et froid se mêlèrent de l’histoire à la fin de l’été. Cette année ne fut pas non plus une bonne année pour les humains. 

 

  10 septembre 2017.

La pluie s’est acharnée tout l’après-midi. Avec de gros grains et des rafales pour se donner de l’importance. Mais en affichant un petit air de ne pas vouloir se mouiller dans les débats sur le dérèglement climatique…

 

  11 septembre 2017.

Ce soir, je cherche mes mots dans la vapeur brouillée des pollutions parisiennes. Loin de l’océan, est-ce anormal que je me dessèche ?

 

  12 septembre 2017.

La lutte est une fête. La forte houle des colères populaires a déplissé aujourd’hui les artères citadines comme au matin les draps froissés témoignent des festins de la nuit.

 

  13 septembre 2017.

Ordonnances contre le code du Travail, démantèlement de la politique publique du logement... Sous les paroles doucereuses d’un premier ministre au visage lisse de momie, à l’abri des discours de sens commun d’un souverain-président, s’avance la plus grave tentative de régression politique et sociale qu’ait connue la France depuis la Libération. Mais cela peut être aussi la tentative la plus désespérée de prolonger un temps le règne de l’argent. A nous de jouer ! (Unis) 

 

  14 septembre 2017.

Mon ami Francis Combes  m’a dédié un beau poème « Le poète est un communiste ». Il dit que je lui en ai soufflé l’idée. Moi, j’avais simplement dit qu’un poète est comme un communiste parce que quand on est présenté comme poète, la réponse est « ça existe encore les poètes ? » Enfin ça m’a fait plaisir et c’est un honneur pour moi. Je lui ai dit : puisque je t’inspire, j’aimerais que tu écrives un nouveau poème, plus difficile,  qui s’intitulerait « Le communiste est un poète ». Il m’a répondu que celui-là, il « ne l’avait pas écrit,  malheureusement,  parce qu’il était encore un poète un peu réaliste ».

 

  15 septembre 2017.

Qui a raison ? Je remonte  l’avenue Paul Eluard, de la Provence à l’Occitanie, quand je croise une bande de jeunes gens, gars et filles se donnant les mains, qui chantent l’Internationale. Rien que d’attendu en ce lieu de Fête, de rires et de chansons, et de haute affirmation de sa révolte. « Du passé faisons table rase ! ». C’est  chanté avec tant d’envie que j’ai un peu honte du vers d’Eluard qui me trotte dans la tête au même moment et qui dit : « il y a un autre monde, mais il est dans celui-ci ».

 

  16 septembre 2017.

Aujourd’hui je n’ai pas pu mais demain j’irai. Tout au bout, là où se croisent l’avenue Malberg et l’avenue Valbon. (On ne fait rien de plus à l’Ouest à la Fête de l’Huma.)  J’irai là-bas pour voir s’il y a l’océan. S’il y est, j’espère que ce sera marée haute. Je veux voir la houle lécher la foule et  partager sa colère et sa grande impatience d’éroder le vieux monde.

 

  17 septembre 2017.

Je crois que je l’ai déjà dit l’année dernière, j’aime la Fête de l’Huma le dimanche matin avant 9 heures. Les gens qui errent dans les allées ont eu en général une nuit agitée. Le pas hésitant, la démarche irrégulièrement chaloupée, ils cherchent quelque chose qu’ils ne sont pas certains de trouver. Ils ne savent en fait pas très bien ce que c’est  et donc ils ne seront pas déçus. Mais ils savent que c’est ici, en cela ils me ressemblent.

 

  18 septembre 2017.

Avez-vous remarqué que les lendemains de fête sont presque toujours les veilles de quelque chose ? Alors, à quoi bon être triste ? 

 

  19 septembre 2017.

Je me demande pourquoi j’écris ici. Ce qui m’a pris, le premier jour de l’an 2016, de décider que chaque jour, j’écrirai une pensée pour mon réseau d’amis. Et de tenir depuis bientôt deux ans cette promesse à moi-même sans jamais, pas une fois, déroger. Il y a là un mystère. Mais n’est-ce pas cela même, écrire ? Rendre le banal de sa vie mystérieux, flouter son visage à force de le dévoiler, se dénuder par pudeur...  Quelque chose comme mentir ?

 

  20 septembre 2017.

Existe-t-il un prince plus léger qu’une plume ? Un prince qui voyage de rêve en rêve et se pose en douceur sur les paupières closes des enfants pour déguiser  les cauchemars en arc-en-ciel ? Vous n’y croyez pas et pourtant... Timothée ce soir a rencontré ce prince et lui a demandé de venir se poser sur les paupières de son Nounours pour qu’il s’endorme vite. Et Nounours s’est endormi dans les bras de Timothée qui m’a tout raconté. Et moi, Timothée, je le crois !

 

  21 septembre 2017.

Le poème est un champignon des sous-bois. Il vit caché sous un amas de feuille morte. Pour le voir, il faut une bonne vue, une grande habitude et une immense patience. (Sans doute aussi,  quelque chose dans les gènes ne devrait pas gâter l’affaire.) Moi qui me promène les yeux au ciel à chercher des étoiles, même en plein jour,  je passe tout à côté des champignons comme des poèmes, sans jamais les trouver. Pourtant, des uns comme des autres, je suis gourmand. 

 

  22 septembre 2017.

Bizarre... Bizarre... Quand beaucoup d’autres sont dirigés par un chef charismatique entouré d’équipes de porte-flingues estampillés, il y a un parti (je n’en connais qu’un) qui, à la veille de convoquer son congrès national, fait parvenir à chaque adhérent un questionnaire. Un questionnaire qui permettra de décider, après débat, des sujets que ces adhérents veulent voir travaillés au congrès. Et il n’en est aucun qui soit interdit. Et bien il se trouve quelques adhérents de ce parti (le PCF) pour protester solennellement sur Facebook contre de telles méthodes ! Va comprendre quelque chose à ça !

 

  23 septembre 2017.

De retour en Bretagne, j’ai pris mon vélo pour aller voir l’océan. Il ne m’avait pas attendu. Profitant de mon absence, il a écrit une histoire, son histoire. Je regarde partout : juste au creux de la houle, sur les taches odorantes de l’écume, dans les touffes d’algues et les spasmes qu’il y provoque, sur le sable encore mouillé quand il se retire … Je regarde. Et je n’y suis pas. 

 

  24 septembre 2017.

Sans attendre, comme des vrais marins, Dominique et moi sommes allés chercher le voilier à La Roche Bernard où nous l’avions laissé il y a plus de 15 jours. Et ce fut une belle journée ! Dans le brouillard et le crachin, c’est vrai. Mais le courant dans le bons sens pour descendre la Vilaine et passer l’écluse d’Arzal à temps (tout juste), un bon vent, régulier et bien orienté dès l’estuaire passé et la voile qui nous propulse à plus de 4 nœuds, le courant dans le bon sens pour, après 7 heures de navigation nous aider remonter le Golfe, et un maquereau et un lieu jaune pour le dîner au bout de ma ligne de traîne… Que demander de mieux à la vie ?

 

  25 septembre 2017.

Ce matin j’avais envie d’écrire un poème. J’ai beaucoup regardé le jardin. Pour voir les papillons mais il n’y avait pas de papillon. Et les fleurs étaient fanées. Et les oiseaux ont déserté les arbres, les nichoirs et les mangeoires. Et le ciel était uniformément gris. Les nuages ne dessinaient rien de précis… Alors je n’ai pas écrit. Tu vois, je ne suis pas assez menteur pour être poète.

 

  26 septembre 2017.

Dans quelques jours, je vais devoir lire des poèmes, je m’y suis engagé. Je ne lirai pas mes poèmes puisque je ne suis pas poète, mais lire les poèmes des autres m’effraie quand même. Sans doute parce que je ne les mérite pas. Ou alors je ferai comme Charles Bukowski : je bois des bières, je vomis, et après je lis des poèmes.

 

  27 septembre 2017.

Elle est montée à Orsay dans la même rame du RER que moi, vers Paris. Elle m’a soudain fait penser à une lycéenne que je fréquentai un peu dans ma classe de seconde au lycée. Je l’appelais « Muse », juste histoire de jouer avec les mots. Je disais « Muse m’amuse » et elle comprenait « Muse, ma muse » et elle en semblait heureuse. Moi, jeune coq flatté, je ne démentais pas et pourtant, Muse ne m’inspirait rien. Et je n’en suis pas très fier.

 

 

  28 septembre 2017.

Depuis des années les mêmes mots éditoriaux. Europe ! Europe ! Rien sans l’Europe ! Et la moindre critique de cette Europe-là, qui se dit elle-même libérale (un libéralisme quelque fois, selon l’humeur populaire, teinté d’une très légère brume de concession « sociale ») et c’est le jugement sans appel : « Anti-Européen ! » « Populiste ! »  « Nationaliste ! » Et à la moindre faille évidente dans cette construction européenne-là, une même recette : « plus d’Europe ! Plus d’intégration ! » Au début, je mettais cet entêtement au compte de solides convictions. J’excusais, j’admirais presque. Je n’y crois plus. Cette sûreté de soi, ce mépris des opinions différentes et contraires, ce refus d’examiner qu’il n’y a pas qu’une seule manière de construire l’Europe et les solidarités européennes, traduit l’obstination sectaire, le dédain du peuple et celui de la démocratie. Bernard Guetta s’accroche à une Europe mythique comme une arapède à son rocher et de la même manière, depuis plus de 25 ans, France-Inter s’accroche à Bernard Guetta.

 

  29 septembre 2017.

Dans le coton d’un jour d’automne la nature se refuse et dans la frénésie consumériste les hommes s’enferment. Où se nichera le poème ? De quel terreau ses racines trouveront-elles nourritures ? Il parait qu’on peut faire poésie d’un amour flétri, d’un billet de vingt euros, d’une matraque de CRS usagée et d’un caddie de supermarché. Mais je ne suis pas poète, je ne suis pas poète.

 

  30 septembre 2017. 

J’ai trouvé des champignons, des bolets propres à la consommation. J’en ai ramassé tout un panier. Ne le dites pas aux nuages, aux étoiles, aux cimes des arbres. Ne le dites pas aux avions, aux satellites. N’en parlez pas aux mésanges, aux tourterelles, aux libellules. Si le soleil vous pose des questions, ne lui répondez rien. Tout ce beau monde croit dur comme fer que, le nez constamment en l’air,  je ne les perds jamais de vue.

 

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