Les atouts communistes (contribution au congrès)

Puisque nous nous entendons tous pour dire que le communisme est manifestement la question du printemps de ce 21e siècle, cela signifie donc (ce n’est pas Marx qui parle là mais Monsieur de La Palisse) que nous devons porter l’espoir, la visée, le mouvement, la conscience et les modes d’action, l’éthique même des femmes et des hommes de ce siècle.

 

Je suis, avec tous les communistes, contre tout effacement du communisme et de notre parti, et pour son affirmation forte. Précisant immédiatement qu’il y a façons et façons de s’affirmer. L’une d’elle est de se retrancher dans une citadelle et d’y faire flotter notre drapeau sur les tours. La forteresse ne résistera pas longtemps au siège qu’elle appelle. Ça ne peut évidemment être ce que nous avons en vue.

 

Notre affirmation doit être celle d’une ambition immense et très lucide. Immense parce qu’il s’agit de la visée d’une nouvelle civilisation humaine. Lucide, très lucide, parce que cette visée, cet espoir, cette éthique, ce que nous appelons quant à nous « le communisme », nous ne pouvons ni ne voulons les porter seuls, mais dans un mouvement qui concerne et sollicite la très grande majorité du peuple.

 

Ici je parle de la démocratie qui devrait être le cœur du projet communiste. Et j’évoque là le bilan, ce qui a produit notre affaiblissement. D’être incapable de répondre à la formidable aspiration des hommes et des femmes à décider par eux-mêmes, comme les moyens technologiques le permettent aujourd’hui, condamne définitivement le capitalisme. Cela devrait nous donner du grain à moudre. Mais de n’avoir pas suffisamment su répondre à cette aspiration moderne par une pratique et un projet qui mettent clairement la démocratie au cœur des enjeux politiques, nous a empêchés de mobiliser les énergies citoyennes et populaires disponibles pour la transformation du monde.

 

Nous devons travailler de façon désormais explicite et déterminée cette aspiration moderne. Je ne parle pas seulement des institutions qui ne sont qu’une partie de la question. Je parle d’une civilisation nouvelle qui instaurera, en étendant sans cesse les droits humains, une véritable souveraineté populaire, vers une autogestion généralisée. Je parle de répondre à la question « qui décide ? » dans tous les domaines de la vie : sociaux, économiques, politiques, moraux, culturels… Je parle de décisions actives, pas seulement du laisser-faire des institutions de la démocratie représentative. Je parle de décisions éclairées par le débat citoyen, politique, éthique et scientifique, par la délibération populaire. Les révolutionnaires français ont su faire ça victorieusement, ça s’est appelé des « Etats généraux » qui ont mobilisé, durant des années au XVIIIe siècle, tous les « ordres » de la société française. Et qui a débouché sur la Révolution.

 

Pourquoi ne prônerait-on pas, à notre ordre du jour, des initiatives d’Etats généraux, sans les brader, pour mettre en délibération les grands enjeux de notre époque et permettre l’émergence de réponses réellement démocratiques ?

 

Parlons de ces enjeux. Le premier, je viens de le dire, est la démocratie, devenue aujourd’hui un des enjeux essentiel de la lutte des classes, celle des possédants s’affichant déjà dans une démarche post-démocratique. Notre projet est d’affronter les enjeux du siècle, que ce soit l’enjeu du dérèglement climatique qui menace la planète, les conquêtes d’égalité sociale, de genre ou d’origine, le sens du travail à l’heure du numérique, quand le capital cherche à étendre la marchandisation à toutes les activités humaines, les défis des droits humains et de la bioéthique face à la marchandisation des corps et des esprits, les défis de la coopération et de la paix dans un monde mondialisé… Relever ces défis pour des solutions d’humanité, c’est aujourd’hui sortir par le haut du système capitaliste, mettre l’aiguille de la boussole vers une société sans classe. Nous avons beaucoup travaillé à ces problèmes nouveaux pour faire surgir des réponses pertinentes. Nous avons du bagage pour engager un dialogue avec les forces vives sur ces grands défis. Ce sont des atouts, des atouts communistes forts, et aucune autre force politique ne s’est avancée autant que nous sur ces questions, tandis que nos positions sont très largement convergentes avec celles des forces sociales et intellectuelles d’avenir. On le voit de façon éclatante avec les aspirations écologistes, féministes, antiracistes, laïques, avec l’accueil des migrants, la défense des services publics, avec les mises en commun du numérique…

 

Pourquoi alors n’arrivons-nous pas, avec tous ces atouts, à intéresser la société. Le silence médiatique y est pour beaucoup. Mais nous avons aussi notre part. Je parle ici de stratégie. Il est court, à ce propos, d’opposer effacement et affirmation. Nous avons besoin d’exister et de rassembler. Nous ne pouvons rassembler sans exister ni exister sans rassembler. On tourne en rond dans de tels raisonnements.

 

Notre déficit stratégique (oui, nous en avons un, et sévère !) n’est pas de trop rassembler et de trop peu exister. Notre déficit est qu’entravés dans des institutions antidémocratiques et une conception « jacobine » du pouvoir, dans une conception « matin du grand soir » de la révolution, nous ne sommes pas parvenus à mettre en œuvre une stratégie de « conquêtes citoyennes » que pourtant nos textes et résolutions préconisaient. « Par les élections on prend le pouvoir et alors seulement nous allons changer les choses. » C’est ainsi que pour l’essentiel, nous avons continué de penser et d’agir. C’est cela qu’il faut changer et c’est très lié à ce que je disais plus haut de la démocratie. 

 

Mettre en œuvre une stratégie, initier un processus de conquêtes citoyennes, c’est s’appuyer sur toutes les luttes positives concrètes, sur les aspirations, sur les débats, sur les initiatives de solidarité, sur toutes les formules de mises en commun, de les appuyer pour en faire autant de victoires, et d’y participer en intervenant avec l’objectif d’en faire de véritables projets politiques de transformations, de mettre en débat des solutions et des réponses, avec l’objectif de gagner à la fois des avancées positives concrètes, des droits nouveaux, et de faire progresser les consciences.

 

La question n’est pas d’affirmer des positions en espérant qu’à la fin (quand ?), elles gagnent. La question est, par tous les moyens démocratiques possibles, par la lutte, le débat, les votes, par des initiatives rassembleuses, de mettre les gens en mouvement pour des transformations concrètes, réelles, pour des victoires. Et dans ces initiatives de conquêtes citoyennes, de se confronter aux grands enjeux et de transformer le monde.

 

Je veux souligner à ce sujet qu’il me semble que contrairement au capitalisme qui se donne comme un système, le communisme n’est pas seulement un mode de production. La visée qu’il propose est celle d’une civilisation d’émancipation, d’une société libérée de la division en classes, d’une société d’égalité, de liberté, d’un monde pacifique, fraternel et convivial. Ce n’est pas un « économisme » et réduire la visée communiste à un projet économique qui consisterait essentiellement à « prendre le pouvoir sur l’argent », s’attaquer « au pouvoir des banques » et « sécuriser l’emploi ou la formation », n’aide pas à affirmer le communisme et le Parti communiste, fort de tous  ses atouts.

 

Le « manifeste », doit être en ce sens largement amendé pour mettre en lumière tous les atouts dont dispose le parti communiste et qu’il lui permette de s’affirmer comme la force utile et rassembleuse permettant de relever au service de l’humanité les grands défis du 21e siècle. Car l’enjeu, c’est qu’au lendemain du congrès, le PCF soit en état, avec ses résolutions et décisions et aussi avec la direction qu’il aura élue, de jouer pleinement de tous ces atouts d’avenir. Sinon, alors oui, un effacement est hélas, possible.

 

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