Pensées des jours d'avril

Avril, pour ne pas me découvrir d'un fil, j'ai suivi celui de mes pensées et je vous les livre, sans retouche, comme depuis le début de l'année, parce que les habitudes, quand même, ça compte, surtout les premières fois.

  

1er avril

Désir de politique. C'est vrai qu'il se passe quelque chose, de nouveau, d'inattendu. Il flotte en ce début de printemps comme un désir de politique. Alors ne prenons pas les décisions qui nous poussent à faire comme s'il ne se passait rien de nouveau, comme si rien ne venait parfumer le printemps. Donnons chance à la parole de ceux qui dressent la tête. Donnons-leur, donnons-nous la chance d'être les acteurs de toutes les décisions, plutôt que de s'en remettre aux hérauts. Faisons enfin ce que nous avons décidé : un mouvement populaire qui prend les choses en main. Jusqu'au bout !

  

2 avril

Légende de mer. Reprise de contact avec la mer. Le bateau est à l'eau. À la voile, descente de la Rivière d'Auray au près contre le courant puis remontée du golfe avec le courant, au largue, jusqu'au mouillage d'Arradon. Une légende veut que celui qui possède un bateau est heureux deux fois dans sa vie : le jour où il achète son bateau et le jour où il le revend. J'ai fait mentir la légende !

  

3 avril

Voix d'eau. Dans le courant de la Jument, hier, j'ai entendu à nouveau la voix de l'eau qui glisse contre la coque, entre les quilles. Elle m'accompagne dans mes navigations, elle m'est devenue si familière : amicale et menaçante en même temps. C'est ma voix d'eau. Je n'ai pas peur de son ambiguïté. Faites-moi signe, un de ces jours, rappelez le moi. Qu'on en parle.

 

4 avril

Bulles démocratiques. Pour regrouper les régions, Hollande n'a demandé l'avis de personne. Mais pour donner un nom aux nouvelles Régions, là, consultation populaire ! La démocratie est sauvée alors, levons nos verres et… "Grand Est !" Mais attention aux bulles !

  

5 avril

Mauvaise migraine. Joli jour de printemps en sud Bretagne. J'aurai dû profiter des pétales du soleil, les cueillir un à un et les offrir à l'absence. Mais voilà. Ma tête dans un étau de fièvre, allongé, inerte, je regarde le vol des mésanges comme un baiser furtif, inapte à tout autre désir.

  

6 avril

Rêve debout. Place de la République, on refuse de passer en avril. « On restera en mars tant qu’on l’aura décidé » dit ce forum prometteur. Je rêve… je rêve de places occupées qui retiennent ce printemps… disons… toute une année. Vous vous rendez compte, les amis, une élection présidentielle devant les places occupées, où citoyennes et citoyens imposent leurs choix : leur projet, leur programme, leur candidate ou candidat ! C’est mon rêve, le rêve des communistes enfin réalisé ! Il faut dire que c’est mieux, la nuit comme le jour, de rêver debout plutôt que couché.

  

7 avril

Impatience printanière. J'attends avec une grande impatience, le candidat d'ores et déjà déclaré ou son porte-parole, qui ira dire Place de la République : "C'est bien ce que vous faites, on vous soutient. Mais pour 2017, le programme, la méthode et le candidat, ne vous occupez de rien, on a déjà tout réglé !"

  

8 avril

En quête de vrai. La lumière peut être un repère. Elle peut aussi éblouir et rendre aveugle. Tu allumes la torche. La nuit t'enveloppe, plus obscure encore et c'est loin, très loin de toi, que commencent à se révéler des images claires dans un halo de craie. Et plus tu approches de cette révélation, plus elle sombre dans la nuit et t'échappe. Toujours, c'est quand elle t'échappe que tu l'attrapes vraiment.

  

9 avril

Obligation démocratique. Je ne sais pas ce que va donner ce mouvement des "nuits debout", ni sur quoi il va déboucher. Mais je vois qu'il essaime et s'enracine. Et je vois ce qu'il porte : un énorme besoin de démocratie. Comme communiste, on ne peut que se sentir en phase, et se transformer soi-même, transformer la politique, transformer le parti, pour répondre à cette exigence concrète et quotidienne de démocratie.

  

10 avril

Preuve par huit(re). Toute cette journée de dimanche, j'ai tenté de me persuader que je valais mieux que ça. Et ce soir, j'ai voulu en apporter une preuve irréfutable. Une douzaine d’huîtres de la Baie de Quiberon et deux verres de Sauvignon plus tard, voilà qui est fait !

  

11 avril

Parfois je désespère. Il régnait sur la société française un silence d'une blancheur de craie et voilà que ça se remet à parler. Pas seulement à crier dans les rues, mais à parler sur les places. Nous devrions nous réjouir de ce débat relancé. Mais je vois trop, parmi mes amis, de manieurs d'évidences impatientes. Comme si tout ce qu'il nous faut faire était limpide et clair, et le chemin tout tracé. Comme s'il n'y avait qu'une réponse aux questions avant même qu'elles soient formulées. Comme si, du haut de nos certitudes, nous n'avions nul besoin de prendre le temps d'écouter, de chercher à comprendre. Mais non, au lieu d'élargir la parole, au lieu de la cultiver, de contribuer à son épanouissement, nous cultivons des postures et la distribution gratuite des étiquettes tient lieu de raisonnement. Si nous avons à adopter une attitude impatiente, c'est celle d'interroger, de consulter, avec un seul impératif catégorique : ce n'est pas à nous seuls de décider pour la majorité.

  

12 avril

Question angoissante. Si on en croit France 2, Hollande a le moral (ce qui ne manque pas de saper le nôtre). Il se prépare pour les échéances du printemps 2017 avec une petite équipe notamment composée de Julien Dray, et Emmanuel Macron. La grande question est : quand va-t-il se déclarer ? On penche pour décembre, ou peut-être plus tôt, ou peut-être plus tard. L’attente est à son comble. Moi, je ne me couche pas avant de savoir : ce qui augure d'un bel avenir pour les nuits debout !

  

13 avril

Réalité trop profonde. Aujourd'hui, j'avais envie de parler du nid des mésanges qui égaient le jardin, et de tulipes dentelées d'un orange de feu. Mais le monde comme il va m'a fait trébucher et je suis tombé bien profond dans sa réalité. Débrouille-toi avec ça. Après, j'étais un peu essoufflé. J'ai cherché à passer le temps et le seul moyen que j'ai trouvé, était de le tuer.

  

14 avril

Brutale conviction. Cambadélis et Dray lancent la Belle Alliance Populaire. La BAP. Objectif : rendre possible et pourquoi pas crédible, une nouvelle candidature du Président sortant. Comme visiblement le peuple ne veut pas en entendre parler, il leur faudra utiliser la méthode forte pour convaincre. Plutôt que la BAP, on pourrait leur suggérer la BAC... ou la baffe... Bien plus efficaces.

  

15 avril

Puisque Éluard dit :

 

" Rien ne nous réduit

Àdormir sans rêves

À supporter l'ombre ",

 

sans peur (mais blotti contre elle), je vais me coucher.

  

16 avril

Sommeil agité. Cette nuit j'ai chevauché en rêve mon voilier cap au sud. En Baie de Quiberon, les moutons hurlaient comme des chiens enragés. Peut-être (comme beaucoup d'entre nous) en avaient-ils assez de se faire traiter de moutons. Mon voilier, toutes voiles dehors malgré le grand frais, et moi agrippé à la barre à ne rien vouloir céder, nous menions la meute, dans un grand rire qui intimidait les mugissements du vent. Bientôt, les moutons-chiens nous dépassèrent, nous signifiant qu'ils prenaient les commandes. Je m'éveillai alors, la conscience apaisée.

  

17 avril

L'urgence est à la palabre ! Il n'est pas anormal que Place de la République, à la "Nuit debout", on ait l'impression de vivre un rêve éveillé. J'y ai croisé des enthousiasmes, mais aussi des impatiences de savoir le débouché politique de ce vaste forum. Et bien moi, leur ais-je dit, je ne suis pas trop impatient de m'exhiber avec l'autocollant de mon champion de 2017 à mon blouson. Et je déclare que "l'urgence est à la palabre" ! Des milliers de personnes, jeunes pour la plupart et sans expérience militante, décident de parler ensemble de la société, et de considérer qu'ils n'ont pas à s'en remettre à d'autres, veulent rester maîtres de leurs échanges. Et ils se méfient (sans forcément les rejeter) des discours "sachants" et convenus (qui jusqu'ici n'ont guère eu d'effets convaincants, admettons-le). C'est un big-bang réjouissant pour tous ceux qui affichent la "primauté au mouvement populaire". Il faut laisser du temps pour que les paroles, de parallèles et chaotiques qu'elles sont, trouvent le chemin de leurs cohérences et les arêtes communes de leurs cristaux.

  

18 avril

Parler d'espoir. Passé la soirée chez P., un ami peintre et architecte. À partir d'une réflexion sur le prix des œuvres d'art contemporaines, s'est déroulé le fil de la crise capitaliste. Le fric qui régit tout et ne veut plus rien dire. Le bout du bout d'un système qui n'est plus que prédateur. La politique a envahi l'espace ces temps-ci, je ne croyais pas ça possible il y a quelques mois. Nous avons décliné nos inquiétudes et j'ai surtout parlé d'espoir. Espoir malgré tout, le seul moyen de tenir debout et surtout de tenir ensemble. Le désespoir divise. L'espoir est la seule politique vraiment communiste.

  

19 avril

Nuit debout. D'accord mais maintenant, il est temps de se coucher. Pourtant, je ne me coucherai devant aucun dieu, aucun maître et même aucun tribun. Peut-être, je le concède, je veux bien me coucher devant une déesse, une maîtresse... Mais jamais devant une tribune.

  

20 avril

Promesse de pigeon. Depuis jeudi que je suis à Paris, je ne sais pas si les petits des pigeons ramiers qui ont fait leur nid dans le chêne vert de mon jardin sont nés. Et pourquoi suis-je si impatient de les voir ? Sans doute que quelques vers de Stéphane Mallarmé se font pressants :

" Tu ris au soleil du rivage

Qui d'un traître rayon brunit

Ta gorge entr'ouvrant son corsage

Comme un ramier sort de son nid. "

 

21 avril

Méthode dépassée. Quand j'avais besoin de rire, il y a maintenant assez longtemps, je trouvais toujours ce qu'il faut pour ça. Quand je n'en avais plus, il y avait une amie pour m'aider. Chacune avait sa spécialité et quelques-unes, plus rares, plus tendres, combinaient plusieurs moyens pour arriver à cette fin. (Celles-là je ne les ai pas oubliées). Maintenant, je compte sur moi-même : j'ai passé l'âge des procédés prohibés et des amies généreuses. Je me fais rire tout seul, j'y arrive assez bien, mais la descente est en général plus cruelle.

  

22 avril

À la fin, le jour se lève. Nos songes s'étiraient de places en places. Les pavés et les dalles, assoiffés de couleurs, luisaient de tous leurs désirs. À minuit les gens d'armes et au matin les brigades de nettoyeurs, tentaient chaque fois de griser les attentes. Il fallait ensuite recommencer, mais la patiente persévérance avait raison des embûches. Les enseignes gagnaient toujours et de la République à la Liberté, de Victor-Hugo à Charles-de-Gaulle, s’égrenaient les nouvelles conquêtes. Quand les songes submergèrent les places Adolphe-Thiers, les troupes communardes se sentirent renaître. Les générations ne faisaient plus qu'une, un seul espoir, une même conquête. Alors les jours debout succédèrent aux nuits.

 

23 avril

Une vie GPS. À quoi ressemble le GPS qui dirige ma vie ? Cette voix qui décide pour moi ce que sera ma voie. "Dans 650 mètre, tournez à gauche. Au rond-point, prenez la troisième sortie. Dans 200 mètres, serrez à droite" ... Mon GPS se trompe-t-il ? Parfois, il semble un peu aventureux quand, sur l'autoroute, il m'ordonne : "Faites demi-tour dès que possible. Maintenant, faites demi-tour". Je crains qu'un jour pas trop lointain, mon GPS m'annonce : "faire demi-tour vous est désormais impossible".

 

24 avril

La convergence fait mal. Le salut est dans la convergence. Convergence des luttes, convergence des cultures, convergence des rêves... La convergence n'a rien d'un univers rose-feutré. Si on se rapproche, s'il faut faire effort pour s'approcher, c'est que ce qui nous éloigne, jusque-là, est le plus fort. Alors on va se faire mal. On va en prendre plein la figure. C'est comme ça, c'est par là que ça passe. La banlieue et les centres villes, les jeunes et les vieux, le public et le privé, les chômeurs et les salariés, syndiqués et non syndiqués, encartés et non encartés, les sans et les avec encore un peu... On va se faire mal mais c'est la seule solution. Pour foutre la trouille aux 1% et même leur piquer l'essentiel de ce qu'ils ont, il faut, pas qu'on soit, mais qu'on devienne les 99%. Rendez-vous le 28 avril et le 1er mai ?

 

25 avril

"Hé, ho...!" Ce soir de retour en Bretagne. Dans le jardin quelques feuilles au pommier, quelques fleurs au mirabellier. Dame ramier a déserté le nid, sans doute les petits ramiers sont nés. Sinon, il a fallu sans délai tondre la pelouse et allumer un feu. C'est à peu près toutes les nouvelles du monde. "Hé Ho... les ramiers!" me suis-je écrié. Ma voix n'a guère eu d'échos. Je mettrai ma tête à couper que d'autres "Hé, ho!..." resteront, eux aussi, sans échos.

 

26 avril

Résistance active. Aujourd'hui Hollande et son gouvernement faisaient dégager les intermittents et leurs soutiens par les CRS à l'Odéon. Ce soir, j'étais au théâtre à Vannes. La pièce n'était pas très bonne (une adaptation du Frankeinstein de Mary Sheylley). Mais je me suis consolé en me disant que le simple fait d'être là était un acte de résistance.

  

27 avril

Triste Golfe. À quoi sert la mer, ici ? Trop de vent pour naviguer. Trop peu profond pour plonger. Trop de courant pour nager. Trop froid pour pêcher. Et pour comble, le poissonnier est fermé.

  

28 avril

Tiens, et si on parlait d'amour ? Est-ce qu'un amour chasse l'autre ? Est-ce qu'on peut aimer plusieurs fois ? Ou n'aime-t-on, dans les amours nouvelles, que le souvenir d'un seul amour ? Pourquoi alors ne serait-il que souvenir ? Je crois qu'on a le cœur assez grand pour un nombre d'amour illimité. Et si vous n'avez pas remarqué que plus l'amour est grand, moins il vous encombre, c'est sans doute que vous n'avez pas connu de grand amour.

 

29 avril

Parfum du remords. Il est des soirs anxieux, des soirs en panique, des soirs où l'on sent que l'horizon s'est figé : je ne le verrai plus fuir devant moi. Il est des soirs d'orage qui règlent leur compte une fois pour toutes. Et il est des soirs comme ce soir, au parfum du remords, avec un lendemain, c'est écrit, aussi vain que la veille. Je préfère les soirs dans l'incertitude du lendemain.

 

30 avril

Veille de 1er mai. Puisqu'on vous dit que ça va mieux... Que les affaires reprennent au moment où l'on s'aperçoit qu'elles n'ont jamais cessé d'être florissantes. Puisqu'on vous dit que ça va mieux... et qu'il est temps d'augmenter les rémunérations... des patrons du CAC 40. Puisqu'on vous dit que ça va mieux... Non mais regardez toutes ces courbes, comme elles dansent, comme elles balancent, d'un côté... de l'autre... Ah la belle inversion ! Puisqu'on vous dit que ça va mieux... et que tous ces gens qui vocifèrent, défilent en criant qu'on les a trompés une fois de trop et que ce trop, c'est trop... Quelle incroyable ingratitude ! Puisqu'on vous dit que ça va mieux... d'accord ce sont mes électeurs, mais une telle mauvaise foi ne peut être que de l'ordre du casseur ! Allons, haut les cœurs braves CRS, défenseurs de l'ordre républicain ! Qui aime bien matraque bien ! Puisqu'on vous dit que ça va mieux...

 

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