Haïku pour la Paix

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Au front du Che

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URGENCES

Vendredi 4 juin, j’ai assisté à une conférence de Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS, un des rapporteurs du GIEC. Malheureusement, la vidéo de cette conférence n’est pas en ligne mais en cherchant Christophe Cassou sur Internet, on peut trouver beaucoup de choses sur ses travaux et recherches.

 

Pour moi, voici ce que je retire de ce que j’ai compris. (Ou cru comprendre). Et les réflexions que ça m’inspire.

 

Il y a des choses que je savais déjà. 

 

Que l’existence du réchauffement climatique n’est pas une opinion mais que c’est une réalité scientifique, une donnée physique, comme le fait que la Terre n’est pas plate. C’est le déni de ces réalités qui sont de simples opinions, des opinions absurdes aux conséquences dangereuses. 

 

Ce dont j’avais aussi la conviction, c’est que l’activité humaine est responsable du réchauffement climatique. Ce que j’ai appris, c’est que les données scientifiques montrent que le réchauffement climatique est à 100% le résultat des activités humaines, des émissions des gaz à effet de serre depuis le début de l’ère industrielle.

 

Ce que j’ai appris également, c’est que nous ne pourrons pas revenir en arrière parce que le réchauffement est là, que c’est une donnée physique irréversible. J’ai aussi appris que nous ne pourrons plus limiter le réchauffement à 1,5°C (l’objectif des accords de Paris), mais que nous pouvons encore espérer limiter le réchauffement à 2°C si nous parvenons à la neutralité carbone en 2050, ce qui nécessite de commencer dès maintenant à faire reculer très fortement ces émissions.

 

Nous en faisons déjà l’expérience et l’humanité en paie déjà le prix fort au niveau de réchauffement auquel nous sommes aujourd’hui. Je ne m’étends donc pas ici sur les conséquences du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles et humaines en cours et inévitables si on ne maintient pas cet objectif d’un réchauffement de 2°C, si on laisse filer au-delà.

 

2050, c’est déjà là. C’est maintenant. Mais si les scientifiques nous disent « c’est possible », alors, avec courage, c’est désormais « à nous de jouer ».

 

Cela m’a fait penser aux mots prononcés par Amanda Gorman, une jeune poétesse américaine de 22 ans, descendante d’esclaves, lors de la cérémonie d’investiture de Joe Biden (elle ne parlait pas principalement de l’environnement). Elle disait :

 

« Hier, nous nous interrogions : comment pourrions-nous triompher de la catastrophe ? Aujourd’hui, nous affirmons : comment la catastrophe pourrait-elle avoir raison de nous ? »

 

J’ai appris aussi, ou plutôt j’ai eu la confirmation d’une intuition : les actions individuelles, les décisions individuelles de sobriété, si elles ont un effet positif sur la prise de conscience générale, ne suffisent absolument pas à agir significativement sur le climat. C’est pourquoi il faut engager des politiques nouvelles, des politiques de sobriété. Une politique de sobriété n’est pas du tout, selon moi, une politique d’austérité ou de régression : je suis pour une sobriété émancipatrice, qui nous libère d’un modèle de développement, du « productivisme » et du consumérisme », et qui élève les individus vers plus d’humanité.

 

Ce qu’il faut désormais peser, ce qui nécessite débat et confrontation d’opinions, c’est la question « comment y parvenir ? » C’est donc une question politique qui, comme toute question politique, est trop sérieuse pour qu’on laisse aux seuls « politiques » le soin de la régler. C’est donc la question « de tout le monde ». D’autant que les réponses, vont à coup sûr impacter le mode de vie intime et collectif de chacun d’entre nous et de toutes nos sociétés, sur la planète entière.

Je parle de « tout le monde », je parle de « la planète entière », conscient que ce qui en est aujourd’hui la marque est la profonde inégalité entre les sociétés et, même au sein des plus « avancées » de nos sociétés, entre les individus.

 

Nous venons de vivre une pandémie tragique et nous voyons, nous sentons profondément, à la fois que cette pandémie frappe très différemment les pays riches et les pays pauvres, et dans chaque pays les riches et les pauvres, et en même temps qu’une victoire sur la maladie ne peut être garantie que si tout le monde, chaque pays et chaque individu, dispose de tous les soins, toutes les protections et tous les vaccins nécessaires. Sinon le virus, continuant de circuler, finira par muter dans des formes de plus en plus dangereuses.

 

C’est pourquoi, si nous ne voulons pas que la catastrophe ait « raison de nous », pour reprendre les mots d’Amanda Gorman, nous devrions agir selon trois principes : 

 

La démocratie parce qu’aucune transformation profonde du mode de vie, de production, de consommation… ne peut être imposée ni par la violence de la terreur, ni par le corsetage institutionnel, ni par le viol des consciences. Elle doit être « choisie », après débats, expérimentations et controverses.

 

La culture parce qu’il n’y a pas de démocratie réelle sans élévation générale de la capacité des individus à appréhender le monde, les enjeux du devenir de l’humanité. Je ne parle pas seulement de la culture scientifique (bien qu’elle soit aujourd’hui une grande oubliée) mais de la culture en général, de toutes les approches et activités qui nous rendent le monde sensible et compréhensible et donc « transformable ».

 

L’égalité réelle enfin, qui doit être le Graal de cette action, sans quoi une politique de sobriété au lieu d’être émancipatrice et progressiste, ne peut être que « punitive » à l’égard des plus pauvres et sera rejetée et inapplicable. 

 

Dans la société et dans le monde, la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi les aspirations à la démocratie, à l’émancipation, à la culture et à l’égalité réelle provoquent de forts mouvements populaires qui mettent notamment en branle des millions de jeunes. Et la conscience grandit que ces mouvements très divers se heurtent, chacun de plein fouet, à un système qu’il faut d’urgence dépasser, renverser, abroger. Certains appellent cela la nécessité d’une « transition », d’autres d’une « bifurcation », d’autres encore d’une « révolution ». Au fond, peu importe, il s’agit d’une même nécessité de renverser la table, et à peu près de la même manière.

 

Et alors s’esquisse une stratégie politique de la transition, ou bifurcation ou révolution : organiser la convergence politique de tous ces mouvements populaires. « Politiques » et citoyens, mouvements, syndicats et associations… devraient s’inscrire avec enthousiasme dans cette recherche d’une convergence politique, dans un processus de débats et de démarches communes, et le faire dans un esprit de tolérance et de respect des approches différentes, avec la pleine conscience de l’urgence des actions à conduire.

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Je fais de mon mieux

« Ah je sais que l’on va me dire / Que ce n’est pas intéressant / Que c’est le lot de tout le monde. 

 Mais justement mais justement »

Aragon « Le fou d’Elsa »

 

Il m’est venu, ces temps, une indicible tristesse. Comme si, de ne pouvoir refaire le monde, nous ne voulions plus que le supporter. Ce ne sont pas seulement de ces mois confinés de la crise sanitaire dont je parle. Confinés, pour dire vrai, nous le sommes depuis très longtemps. De long temps nous vivons comme reclus, générations de poings levés qui ne savons même plus ni désigner le ciel, ni se tendre vers d’autres pour une simple caresse.

Nous avons de longtemps perdu la saveur des rencontres nouvelles, de la laque du miel, l’odeur de la cannelle, qui nous faisaient chanter et « l’Internationale », et les « Hallelujah » de Léonard Cohen.

 

« Your faith was strong but you needed proof

You saw her bathing on the roof

Her beauty and the moonlight overthrew you

She tied you

To a kitchen chair

She broke your throne, and she cut your hair

And from your lips she drew the Hallelujah » *

 

Nous parvenions alors, en un joyeux désordre, sous les plis rouge-sang, à conjuguer nos rêves aux zèles quotidiens. Ah ! Que nous en avons décillé des regards, démontré des possibles ! Nous donnions à connaître et nous étions compris. 

Et puis… 

Et puis notre monde, le monde autour de nous, a perdu ses repères. Nos idoles, hautes statues aux pieds d’argile, se sont effondrées, se sont brisées et noyées dans la brume. Et les prêtres ennemis ont usurpés leurs socles et y ont installé leur dieu économie.

Nous n’avons pourtant pas abdiqué nos colères, nous nous sommes débattus dans des eaux tumultueuses. Nous avons, de très peu, évité la noyade. Jamais ce maelström ne nous a fait renoncer à la nage.

Je ne regrette pas ces soirées enfumées de souffrances, où les cœurs les plus vaillants, les combattants les plus aguerris et disciplinés, avaient invité le doute. Nous y disputions fort, mais nous avons, non sans mal, appris à rester ensemble. Nous aurions dû comprendre aussi, de cette âpre bataille, que rien ne peut durer qui a peur de changer.

Et nous avons continué, dans la douleur : devant l’injustice, on ne tourne pas le dos.

Je gravissais alors les tours des cités interdites du nord de Nice, comme à l’assaut du ciel. Et je parlais de tout à tous, l’homme et la femme, le gitan comme le Pied Noir, l’Arabe et le Curée, et même quelques voyous. Je militais ainsi brandissant les chansons des poètes, qui disent que l’homme ne vit pas que de pain et que nos rêves doivent être absolument têtus. Et, dans ces improbables cités de pauvreté, de violence et souvent de bêtise, je me tenais attentif, cherchant toutes les occasions de montrer que les femmes peuvent être belles, que les hommes peuvent être beaux. J’ai parfois trouvé. (Et j’en ai entendu, des moqueries alors, venant de ceux qui confondaient tendresse et mollesse.)

Nous avons ainsi tenté de nous dégager d’un passé étouffant. Nous avons cherché, creusé, investigué… Et nous avons beaucoup appris. Nous entrevoyions une clarté, encore pâle mais bien là, les indices qui ne demandaient qu’à faire preuves. Mais nous étions trop englués dans des pratiques, des habitudes, et le carcan des vieilles stratégies… et tout s’accélérait trop pour laisser loisir et place à la vraie novation.

Nous avions l’intuition d’une façon nouvelle : N’attendre rien d’une insurrection, ne pas espérer tout des élections. Ne pas attendre, pour bâtir, que tout se tienne entre nos mains. Ne pas juger des initiatives sur les étiquettes des initiateurs. Ne pas jalonner d’étapes pré-pensées un chemin d’utopie. Ne pas tout ramener au sommet mais au contraire, tout miser sur le mouvement, sur les mouvements, même ceux qui nous échappent. Espérer et accueillir leurs conquêtes, les réformes, pour ce qu’elles procurent, ce qu’elles provoquent et ce qu’elles permettent de comprendre et de dépasser. Nous aurions dû faire, de ces élans conjugués, de ces aspirations convergentes, le projet politique de la transformation du monde. 

Nous avons parfois tenté des dynamiques populaires, et avec des succès prometteurs. Ce fut le cas en 2005 lors du referendum sur la constitution européenne, puis avec les comités antilibéraux, puis avec le Front de gauche… Mais à chaque fois, nous avons gâché et même détruit ou laissé détruire ces dynamiques, de peur qu’elles échappent à notre contrôle.

Ainsi cramponnés sur une vieille stratégie, nous sommes passés à côté des temps nouveaux, des aspirations neuves et de ce que les révolutions technologiques ouvraient de nouveaux possibles dans les rapports sociaux. Nous voulions être le parti du travail, mais du travail, nous n’en parlions plus, nous ne le regardions plus. Et d’avoir tout confondu, le communisme qui est l’Histoire et le parti qui n’en est qu’un instrument, nous nous sommes tenus juste à l’orée de nos propres recherches et de nos propres découvertes, sans jamais oser franchir le pas de cette stratégie communiste assumée. 

Et puis...

Et puis, un jour de lassitude, de désarroi et d’aigreur, nous nous sommes retournés pour savoir si les fantômes hantaient encore les couloirs éventrés de nos palais d’hiver. Et les ayant croisés dans la galerie des glaces, nous avons revêtu leurs linceuls, et en avons fait l’habit de lumière des certitudes exaltées. Nous l’avons fait, non sans talent, dans l’euphorie d’une chaleur retrouvée : enfin (mais entre nous) pouvoir montrer nos muscles et le bois dont on se chauffe !

Ce faisant nous avons ignoré le b.a.-ba des révoltes, ce que les luttes doivent à la solidarité, à la fraternité, au respect et aux apports de tous. Ce qu’elles doivent aux tâtonnements de l’expérience. Et nous avons oublié que, quels que soient les méandres, chaque pas de notre route doit conduire à plus d’humanité. Nous ne sommes plus que contre, que cris rageurs ; nous brandissons nos outils enlacés, mais nous en avons fait des bêches à enterrer l’espoir.

Notre pensée s’est « sloganisée » dans la « punch line » et les bons mots. Nos beaux mots, eux, ceux des fondements, repères pour l’intelligence qui creuse et qui cherche, ne renvoient plus chez nous qu’à une foi desséchée. Que nous importe d’être compris puisque nous avons raison quoiqu’on dise ? Nous avons troqué nos universités populaires contre la pédagogie des marteaux piqueurs. Ce qu’il y avait de neuf dans la philosophie, qui disait que l’avenir commence maintenant et que le devenir se loge dans les replis du monde, là où cognent aujourd’hui le nouveau et l’ancien… nous l’avons désappris.

Alors, paupières closes sur nos propres poèmes qui annonçaient « il y a un autre monde, mais il est dans celui-ci »** , nous proclamons que les temps ne changeront que par nous. Et au peuple impatient nous disons : « Demain. Demain seulement quand vous nous confierez le monde, vous vous ferez entendre ». Alors, dans l’allégresse d’une morgue bravache, nous convoquons la ruine et la défaite, et laissons le champ libre, là où pourtant, le pire est envisagé. Le pire est même plausible et son déni ne peut être un refuge.

De ne plus guère servir aujourd’hui, et de repousser demain à l’horizon chimérique, de nous voir tout à fait immortels et indestructibles, porteurs de qualités à tout autre déniées, nous provoquons notre propre effacement. Et foin de la belle aventure d’un encore vert centenaire, marquant de son empreinte et la France et le monde, nous renonçons à l’épopée pour une minuscule rengaine  racornie. Nous n’y survivrons pas.

Je suis triste, profondément triste de cette mort annoncée au moment où le peuple se détache du système et de ses maîtres. Triste qu’on n’ait pas aujourd’hui le courage de ceux de Tours, brisant leur vieux parti pour en créer un neuf. Je suis triste qu’on refuse de travailler, avec patience et décision, à la création d’une force politique et culturelle nouvelle, une force de transformation de notre temps qui prolonge et ravive le combat communiste. Une force qui porte les voix diverses des mouvements de la transformation sociale, des émancipations humaines, du respect de la vie sur la planète. Une force chorale qui monte à l’assaut du système et ouvre une civilisation nouvelle.

Je suis certain pourtant que rien n’est terminé. Le témoin n’est pas tombé au sol et ils sont des millions prêts à s’en emparer. Et en face, chez l’ennemi, on n’a plus tant de choses à offrir.

Je sais qu’il y aura un lendemain sans nous, que nous ne sommes rendus qu’au matin de l’Histoire et que, sans le parti, elle s’écrira encore. J’aurais préféré que cela soit avec, avec nous et notre belle histoire, pour accélérer le mouvement, mais je n’y crois plus guère : je ne nous vois plus convoquer cette audace. 

Cela fait bientôt 58 ans que je me bats pour le communisme, et ce combat, je le menais avec et pour le parti communiste. Je ne vais pas renoncer au combat communiste. À mon âge, si on veut vivre encore un peu de ce qui s’appelle vivre, on ne renonce à rien de sa propre volonté. Mais ce sera sans le parti. Je sais ce que je dois au Parti communiste. Je sais ce qu’il m’a apporté de connaissances et de savoir-faire. Je sais ce qu’il a fait de moi, ce qu’il a construit d’humanité et de fraternité en moi et autour de moi. Je suis fier d’en avoir été un militant, je m’en réclame et jamais je ne renierai cela. Mais aujourd’hui je ne m’y reconnais plus. Et surtout, surtout, je suis convaincu que le combat communiste a besoin d’un autre outil que ce parti, que l’invention d’une organisation nouvelle est nécessaire. C’est pourquoi je me sens droit, fidèle et courageux : il y a tant à faire, tant à faire autrement. Je fais donc autrement. Et comme toujours, je le fais et je le ferai de mon mieux. Et je continue d'écouter Léonard Cohen...

 

« I did my best, it wasn't much

I couldn't feel, so I tried to touch

I've told the truth, I didn't come to fool you

And even though

It all went wrong

I'll stand before the Lord of Song

With nothing on my tongue but Hallelujah. » ***

 

 

« Ta foi était forte mais tu avais besoin de preuves / Tu l'as vue se baigner sur le toit/ Sa beauté et le clair de lune t'ont renversé/ Elle t'a attaché/ à une chaise de cuisine/ Elle a brisé ton trône, et t'a coupé les cheveux/ Et de tes lèvres elle a tiré l'Alléluia. »

 

**Paul Eluard

 

***« J'ai fait de mon mieux, ce n'était pas beaucoup/ Je ne pouvais pas sentir, alors j'ai tenté de caresser/ J'ai dit la vérité, je ne suis pas venu pour te duper/ Et bien que / Tout ait mal tourné/ Je me tiendrai devant le seigneur de la chanson/ Avec rien d'autre à mes lèvres qu'Alléluia. »

 

 

 

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Ma contribution pour 2022

Sauf à adopter une démarche purement électoraliste, les communistes ne peuvent parler de leur engagement dans l’élection présidentielle de 2022 sans la situer dans le champ plus large de leur objectif. L’objectif du PCF est la transformation de la société pour dépasser et abroger le capitalisme et travailler à une civilisation supérieure. C’est ce mouvement de transformation qu’on appelle, depuis Marx, le « communisme » et dont on a appris de ses travaux qu’il ne peut être qu’un processus concret qui s’appuie sur le développement des contradictions au sein même de la société capitaliste. Marx et Engels ont combattu la démarche « utopiste » du mouvement ouvrier : celle qui considérait que la transformation sociale devait être la réalisation d’un rêve, d’un projet ou d’un programme, construit en dehors des mouvements réels du monde réel. Les réflexions des communistes, notamment depuis les années 70, les ont conduits à considérer que ce mouvement de transformation communiste ne devait pas se penser en une succession « d’étapes » préétablies, comme ils l’avaient conçu longtemps, et que le « socialisme » n’était pas l’étape obligatoire avant la « construction du communisme ». 

Sachant cela, les communistes ne peuvent pas continuer de penser comme si l’acte inaugural pour engager la transformation de la société était obligatoirement la conquête du pouvoir : « Les communistes sont aux manettes, on appliquera leur projet phare, le « système de sécurité emploi formation » et  peut alors s’engager la transformation de la société ». Cette stratégie, non explicite mais qui pourtant semble être suivie par le PCF aujourd’hui, n’est guère crédible. D’abord parce que, sans tirer trop de plans sur la comète, ce n’est pas demain la veille que le PCF sera aux manettes. Ensuite parce que l’expérience montre que  ce n’est pas parce que des partis communistes sont aux manettes, même seuls, que les transformations communistes réussissent. Enfin parce qu’une autre stratégie, s’appuyant sur les mouvements de la société, est aujourd’hui possible.

Toute l’argumentation favorable à une candidature du PCF à la présidentielle de 2022 revient à cela : « Nous sommes les seuls à porter des mesures réellement anticapitalistes et de transformation. Nous devons utiliser la campagne présidentielle pour les faire connaitre. Les millions d’abstentionnistes qui en prendront connaissance y adhéreront par leur vote. Et c’est ainsi que le PCF retrouvera son influence pour qu’un jour, le peuple lui confie le pouvoir. Entre temps, il faudra lutter pour défendre les acquis et s’opposer aux pouvoirs et au patronat ». Je n’ai pas trouvé d’autre argument en faveur de la présentation d’un candidat du PCF.

Cette démarche est un pari « hors-sol ».

D’abord parce qu’elle néglige ce que risquent d’être les enjeux de cette élection. 

Est-ce politique fiction de penser qu’il y a un réel danger de victoire du RN à l’élection présidentielle suivie d’une majorité « droite-RN » aux législatives ? Et qu’aux yeux des électeurs, et surtout des électeurs de gauche, cet enjeu surpassera toutes les autres considérations ?

Or sur quoi repose la menace ? Sur une adhésion majoritaire aux idées fascisantes ? Sur une adhésion majoritaire aux idées de droite ? Hélas, les comportements et les opinions émises par nos concitoyens montrent combien ces idées ont progressées. Mais il serait faux de penser qu’elles ont submergé totalement la société française. Mille exemples de luttes, de résistances, d’actions solidaires montrent qu’il en est autrement. Parmi ces exemples, les gilets jaunes, le mouvement des jeunes et de la société sur le climat, le mouvement féministe, le mouvement contre les violences policières, contre le racisme, les mouvements des hôpitaux et des EHPAD, l’accueil des migrants, le mouvement social sur la retraite, les décisions et luttes pour des gratuités, l’économie sociale et solidaire, les circuits courts… La société est animée de mouvements, certes encore dispersés et porteurs de contradictions, mais au fort potentiel de transformation. La stratégie de PCF devrait être d’aider à faire converger ces mouvements dans un projet politique commun de société nouvelle. 

Certes si on considère la situation de la gauche, son discrédit, son éparpillement, son incapacité à se revitaliser, se réinventer, on peut douter de sa capacité à s’opposer victorieusement au danger RN-Macron. Cela se voit dans les sondages, et surtout, cela se sent sur le terrain. Pourtant, si des millions d’électeurs de gauche s’apprêtent à s’abstenir, si des millions d’ouvriers, d’employés, s’apprêtent à voter pour un parti fascisant, c’est d’abord parce qu’ils ne voient pas d’issue, parce qu’ils n’ont plus d’espoir. Et il n’y a pas de lutte, pas de résistance, pas de mouvement populaire progressiste, et donc pas de transformation sociale sans espoir.

Ce n’est pas le seul enjeu évidemment. Là encore ce n’est pas pure spéculation que penser que cette élection sera profondément marquée par la crise sanitaire et la crise économique. Les candidats à l’élection présidentielle vont s’adresser à des électeurs (quasiment tous les électeurs), plongés dans la pauvreté, le chômage et la précarité, dans l’angoisse et au minimum en proie aux incertitudes. Certains candidats, qui seront en position pour le faire, diront : « Votez pour moi, portez-moi au pouvoir et j’apporterai réponse à cela. » Mais le candidat du PCF sera-t-il en position de tenir un tel  discours ? S’il le faisait, serait-il crédible ? Et y a-t-il à ce jour, un seul candidat de gauche ou écologiste qui soit réellement en position de tenir ce discours ? Et pas même un capable de dire : « en votant pour moi, vous vous donnerez, quel que soit le résultat, les moyens de s’opposer au pire et de construire du neuf ! » Ni le candidat du PCF, ni aucun candidat à gauche ou écologiste ne sera capable d’être crédible en tenant ce discours si tout reste en l’état.

Quelle serait alors la campagne de Fabien Roussel ou du candidat du PCF que les militants choisiront ? Il développerait les propositions du PCF « qui sont les seules à répondre aux intérêts populaires » ? Oui, mais il lui faudra d’abord expliquer pourquoi il y a deux programmes très proches, celui de Mélenchon et le sien qui se 

concurrencent et s’élimineront l’un et l’autre. Ensuite il faudra qu’il explique quand et comment ces propositions pourront  s’appliquer et ce qu’il propose en attendant… Tout ça devant des électeurs en très grande souffrance… Je n’ose imaginer une telle campagne et le résultat qui s’en suivrait pour le candidat du PCF et son parti.

Je ne sais pas si ça marchera. Mais la seule solution est de mettre toutes ses forces à tenter de construire une candidature de gauche qui redonne de l’espoir. Qui dise qu’il n’y a pas de fatalité au scénario Le Pen – Macron, ou que si cela arrive, il faudra compter avec une gauche et un peuple mobilisé, dès les législatives. On le fera autour d’un des candidats déclarés ou d’une autre personnalité, et bien évidemment sur la base d’un contrat commun pour la présidentielle et les législatives. En tout cas, si nous ne voulons pas que les électeurs effacent le Parti communiste du paysage, il est obligatoire, pour le PCF, de montrer qu’il aura tout fait, tout mis en œuvre, qu’il se sera battu jusqu’au bout pour conjurer la catastrophe annoncée et maintenir une issue positive. Et quelle que soit l’issue de cette bataille (aujourd’hui bien mal engagée), il faut que le PCF se montre comme ayant comme seul soucis de tenter de conjurer la catastrophe et de se mettre au service de ceux qui souffrent. Il y gagnera une autorité et une influence nouvelle. Peut-être dès les législatives.

 

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