Ma contribution pour 2022

Sauf à adopter une démarche purement électoraliste, les communistes ne peuvent parler de leur engagement dans l’élection présidentielle de 2022 sans la situer dans le champ plus large de leur objectif. L’objectif du PCF est la transformation de la société pour dépasser et abroger le capitalisme et travailler à une civilisation supérieure. C’est ce mouvement de transformation qu’on appelle, depuis Marx, le « communisme » et dont on a appris de ses travaux qu’il ne peut être qu’un processus concret qui s’appuie sur le développement des contradictions au sein même de la société capitaliste. Marx et Engels ont combattu la démarche « utopiste » du mouvement ouvrier : celle qui considérait que la transformation sociale devait être la réalisation d’un rêve, d’un projet ou d’un programme, construit en dehors des mouvements réels du monde réel. Les réflexions des communistes, notamment depuis les années 70, les ont conduits à considérer que ce mouvement de transformation communiste ne devait pas se penser en une succession « d’étapes » préétablies, comme ils l’avaient conçu longtemps, et que le « socialisme » n’était pas l’étape obligatoire avant la « construction du communisme ». 

Sachant cela, les communistes ne peuvent pas continuer de penser comme si l’acte inaugural pour engager la transformation de la société était obligatoirement la conquête du pouvoir : « Les communistes sont aux manettes, on appliquera leur projet phare, le « système de sécurité emploi formation » et  peut alors s’engager la transformation de la société ». Cette stratégie, non explicite mais qui pourtant semble être suivie par le PCF aujourd’hui, n’est guère crédible. D’abord parce que, sans tirer trop de plans sur la comète, ce n’est pas demain la veille que le PCF sera aux manettes. Ensuite parce que l’expérience montre que  ce n’est pas parce que des partis communistes sont aux manettes, même seuls, que les transformations communistes réussissent. Enfin parce qu’une autre stratégie, s’appuyant sur les mouvements de la société, est aujourd’hui possible.

Toute l’argumentation favorable à une candidature du PCF à la présidentielle de 2022 revient à cela : « Nous sommes les seuls à porter des mesures réellement anticapitalistes et de transformation. Nous devons utiliser la campagne présidentielle pour les faire connaitre. Les millions d’abstentionnistes qui en prendront connaissance y adhéreront par leur vote. Et c’est ainsi que le PCF retrouvera son influence pour qu’un jour, le peuple lui confie le pouvoir. Entre temps, il faudra lutter pour défendre les acquis et s’opposer aux pouvoirs et au patronat ». Je n’ai pas trouvé d’autre argument en faveur de la présentation d’un candidat du PCF.

Cette démarche est un pari « hors-sol ».

D’abord parce qu’elle néglige ce que risquent d’être les enjeux de cette élection. 

Est-ce politique fiction de penser qu’il y a un réel danger de victoire du RN à l’élection présidentielle suivie d’une majorité « droite-RN » aux législatives ? Et qu’aux yeux des électeurs, et surtout des électeurs de gauche, cet enjeu surpassera toutes les autres considérations ?

Or sur quoi repose la menace ? Sur une adhésion majoritaire aux idées fascisantes ? Sur une adhésion majoritaire aux idées de droite ? Hélas, les comportements et les opinions émises par nos concitoyens montrent combien ces idées ont progressées. Mais il serait faux de penser qu’elles ont submergé totalement la société française. Mille exemples de luttes, de résistances, d’actions solidaires montrent qu’il en est autrement. Parmi ces exemples, les gilets jaunes, le mouvement des jeunes et de la société sur le climat, le mouvement féministe, le mouvement contre les violences policières, contre le racisme, les mouvements des hôpitaux et des EHPAD, l’accueil des migrants, le mouvement social sur la retraite, les décisions et luttes pour des gratuités, l’économie sociale et solidaire, les circuits courts… La société est animée de mouvements, certes encore dispersés et porteurs de contradictions, mais au fort potentiel de transformation. La stratégie de PCF devrait être d’aider à faire converger ces mouvements dans un projet politique commun de société nouvelle. 

Certes si on considère la situation de la gauche, son discrédit, son éparpillement, son incapacité à se revitaliser, se réinventer, on peut douter de sa capacité à s’opposer victorieusement au danger RN-Macron. Cela se voit dans les sondages, et surtout, cela se sent sur le terrain. Pourtant, si des millions d’électeurs de gauche s’apprêtent à s’abstenir, si des millions d’ouvriers, d’employés, s’apprêtent à voter pour un parti fascisant, c’est d’abord parce qu’ils ne voient pas d’issue, parce qu’ils n’ont plus d’espoir. Et il n’y a pas de lutte, pas de résistance, pas de mouvement populaire progressiste, et donc pas de transformation sociale sans espoir.

Ce n’est pas le seul enjeu évidemment. Là encore ce n’est pas pure spéculation que penser que cette élection sera profondément marquée par la crise sanitaire et la crise économique. Les candidats à l’élection présidentielle vont s’adresser à des électeurs (quasiment tous les électeurs), plongés dans la pauvreté, le chômage et la précarité, dans l’angoisse et au minimum en proie aux incertitudes. Certains candidats, qui seront en position pour le faire, diront : « Votez pour moi, portez-moi au pouvoir et j’apporterai réponse à cela. » Mais le candidat du PCF sera-t-il en position de tenir un tel  discours ? S’il le faisait, serait-il crédible ? Et y a-t-il à ce jour, un seul candidat de gauche ou écologiste qui soit réellement en position de tenir ce discours ? Et pas même un capable de dire : « en votant pour moi, vous vous donnerez, quel que soit le résultat, les moyens de s’opposer au pire et de construire du neuf ! » Ni le candidat du PCF, ni aucun candidat à gauche ou écologiste ne sera capable d’être crédible en tenant ce discours si tout reste en l’état.

Quelle serait alors la campagne de Fabien Roussel ou du candidat du PCF que les militants choisiront ? Il développerait les propositions du PCF « qui sont les seules à répondre aux intérêts populaires » ? Oui, mais il lui faudra d’abord expliquer pourquoi il y a deux programmes très proches, celui de Mélenchon et le sien qui se 

concurrencent et s’élimineront l’un et l’autre. Ensuite il faudra qu’il explique quand et comment ces propositions pourront  s’appliquer et ce qu’il propose en attendant… Tout ça devant des électeurs en très grande souffrance… Je n’ose imaginer une telle campagne et le résultat qui s’en suivrait pour le candidat du PCF et son parti.

Je ne sais pas si ça marchera. Mais la seule solution est de mettre toutes ses forces à tenter de construire une candidature de gauche qui redonne de l’espoir. Qui dise qu’il n’y a pas de fatalité au scénario Le Pen – Macron, ou que si cela arrive, il faudra compter avec une gauche et un peuple mobilisé, dès les législatives. On le fera autour d’un des candidats déclarés ou d’une autre personnalité, et bien évidemment sur la base d’un contrat commun pour la présidentielle et les législatives. En tout cas, si nous ne voulons pas que les électeurs effacent le Parti communiste du paysage, il est obligatoire, pour le PCF, de montrer qu’il aura tout fait, tout mis en œuvre, qu’il se sera battu jusqu’au bout pour conjurer la catastrophe annoncée et maintenir une issue positive. Et quelle que soit l’issue de cette bataille (aujourd’hui bien mal engagée), il faut que le PCF se montre comme ayant comme seul soucis de tenter de conjurer la catastrophe et de se mettre au service de ceux qui souffrent. Il y gagnera une autorité et une influence nouvelle. Peut-être dès les législatives.

 

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